Cette étude de l’Évangile a pour base la contemplation du texte (2 Co 3,1-18). Ce passage de l’Écriture développe le ministère de la Nouvelle Alliance que Paul appelle le ministère de l’Esprit, à la différence du ministère de l’Ancienne Alliance, celui de la Loi. Ceux qui ont été ordonnés ont reçu le ministère de l’Esprit et ils sont porteurs de ce ministère : un ministère de vérité, de liberté, qui reflète et rend présent le Christ Ressuscité. L’Esprit Saint est celui qui nous rend capables d’exercer et de développer ce ministère.
Le ministère de l’Esprit est le ministère de la Nouvelle Alliance. Il se situe dans un cadre complètement nouveau. Il dépasse de beaucoup les médiations extérieures : les victimes, les sacrifices, la loi. Il recentre tout sur la relation à Dieu. Cette relation est possible par l’action de l’Esprit envoyé par le Père pour faire toutes choses nouvelles.
I – Le ministère de l’Esprit
Lumière et proximité du Père
Le ministère de l’Esprit est le ministère de la Nouvelle Alliance. Par l’Esprit, nous avons accès auprès de Dieu. En effet, à travers la mort et la résurrection du Christ, il enlève le voile qui cachait la présence de Dieu et empêchait la communication avec lui : « Jusqu’à ce jour, en effet, lorsqu’on lit l’Ancien Testament, le voile demeure. Il n’est point levé car c’est le Christ qui le fait disparaître. Oui, jusqu’à ce jour, lors de la lecture de Moïse, un voile est posé sur leur cœur » (2 Co 3,14-15). La résurrection de Jésus Christ lève le voile qui cache la lumière et découvre aux hommes la proximité de Dieu. Par le ministère de l’Esprit, nous avons accès à Dieu tout comme Jésus qui est la révélation et la transparence du Père : « Alors Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit. Et voilà que le rideau du Temple se déchira en deux, du haut en bas. La terre trembla. Les rochers se fendirent. Les tombeaux s’ouvrirent et de nombreux corps de saints trépassés ressuscitèrent. Ils sortirent des tombeaux après sa résurrection, entrèrent dans la Ville Sainte et se firent voir à bien des gens » (Mt 27,50-53). Tel est le dynamisme, la nouveauté qui enfouit le ministère de l’Esprit dans la vie de l’Eglise, dans l’exercice même de ce ministère auquel nous participons et qui nous a été confié. L’Esprit renouvelle tout. Il rend toutes choses nouvelles. C’est lui qu’il nous faut viser à travers toutes les médiations nécessaires, mais relatives. C’est l’Esprit qui nous met en relation, en communication avec Dieu d’une manière proche et transparente. Les craintes se dissipent. Dieu se fait proche, familier, aimable.
Refléter la gloire du Christ
Jésus Christ, ayant levé, par sa mort et sa résurrection, le voile qui cachait le visage et la présence de Dieu, nous pouvons, à notre tour, à visage découvert, refléter la gloire même du Christ. C’est cela que l’Esprit Saint réalise en nous : ce que nous sommes aussi nous-mêmes appelés à refléter en devenant participant de son ministère : « Nous tous, qui, le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, toujours plus glorieux comme il convient à l’action du Seigneur qui est Esprit » (2 Co 3,18). L’Esprit Saint nous transforme à l’image du Christ. C’est lui qui fait habiter le Christ en nous et qui fait que notre être devient semblable à l’être du Christ et réfère tout à lui : « L’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir parce qu’il ne le voit, ni ne le connaît. Vous, vous le connaissez parce qu’il demeure avec vous et qu’il est en vous » (Jn 14,17). Par ce souffle et par ce ministère de l’Esprit Saint, nous connaissons Jésus Christ et nous sommes appelés à le faire connaître.
Faire connaître Jésus Christ
C’est l’Esprit qui fait connaître Jésus Christ, qui porte témoignage de lui, qui est le témoin principal, que nous devons croire : « Quand viendra le Paraclet que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui provient du Père, il me rendra témoignage. Et vous aussi, vous témoignerez parce que vous êtes avec moi depuis le commencement » (Jn 15,26-27). C’est lui, le tout premier qui nous révèle qui est Jésus, la vérité entière : « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira vers la vérité toute entière car il ne parlera pas de lui-même, mais tout ce qu’il entendra, il le dira et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, car c’est de mon bien qu’il prendra pour vous en faire part » (Jn 16,13-14). L’Esprit Saint est avant tout l’Esprit de la vérité. Il nous conduit vers la vérité. Nous sommes porteurs d’un ministère de vérité. La vérité, c’est le Christ, c’est le Fils qui vit pour faire toujours la volonté du Père et qui, en lui, trouve sa liberté et sa grandeur. Suivre le Christ, c’est connaître la vérité, c’est vivre dans la vérité comme le chemin qui conduit l’homme à son plein épanouissement et comble ses désirs les plus profonds : « Si vous demeurez dans ma parole, vous serez véritablement mes disciples, vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres » (Jn 8,31-32 ; 14,6 ; 18,37-38).
L’Esprit Saint est aussi celui qui nous associe et nous fait entrer dans sa mission de faire connaître Jésus Christ. C’est une mission sublime. C’est une grâce qui nous fait déborder de gratitude : « Grâces soient à Dieu qui, dans le Christ, nous emmène dans son triomphe et qui, par nous, répand en tous lieux le parfum de sa connaissance » (2 Co 2,14). La connaissance de Jésus Christ est l’haleine, la bonne odeur de la vie qui vivifie. Cette connaissance de Jésus Christ est l’un des biens messianiques que produit l’Esprit du Seigneur venant sur le tronc de Jessé, sur le Messie : « On ne fait plus de mal ni de ravages sur toute ma sainte montagne, car le pays est rempli de la connaissance de Yahvé comme les eaux comblent la mer » (Is 11,1-9).
L’Esprit connaît tout, sonde tout, pénètre tout jusqu’aux profondeurs mêmes de Dieu. C’est pour cela que la connaissance de Jésus Christ est si importante, car elle est l’œuvre de l’Esprit Saint : « Nul ne connaît les secrets de Dieu, sinon l’Esprit de Dieu. Or, nous n’avons pas reçu, nous, l’esprit du monde mais l’Esprit qui vient de Dieu afin de connaître les dons que Dieu nous a faits. Et nous en parlons, non pas en langage enseigné par l’humaine sagesse mais par l’Esprit » (1 Co 2,10-16).
Le Père Chevrier a reçu une lumière qui lui a fait découvrir que le point de départ de tout, c’est de connaître Jésus Christ et d’avoir l’Esprit de Dieu : « Connaître Jésus Christ c’est tout » (VD 113 ; 103, note 1). « Avoir l’Esprit de Dieu c’est tout » (VD 511). Comment accueillons-nous l’Esprit Saint et nous laissons-nous conduire par lui ? Sommes-nous vraiment des hommes pleins de foi et d’Esprit Saint comme il était demandé à ceux qu’on choisissait pour exercer un ministère dans les premières communautés chrétiennes ? Vivons-nous comme un combat la tension entre l’esprit du monde qui s’insinue dans toute notre vie et le souffle et la force de l’Esprit Saint qui habite en nous et qui nous ont bien été donnés avec le ministère que nous avons reçu ? Car c’est l’Esprit de la vérité qui comble réellement nos aspirations à devenir des personnes vraiment libres.
Ministère de liberté
Le ministère de l’Esprit est un ministère de liberté. Son action ne part pas de la soumission à la force de la loi, mais de l’amour, du don gratuit. L’Esprit Saint nous rend réellement libres. Voici le grand défi que nous devons relever face au monde d’aujourd’hui : témoigner que la foi chrétienne est source de joie et de liberté. La nouveauté de la foi nous situe dans ce climat : « En possession d’un pareil espoir, nous nous comportons avec beaucoup d’assurance et non comme Moïse qui se mettait un voile sur le visage pour empêcher les enfants d’Israël de voir la fin de ce qui était passager » (2 Co 3,12-13). La loi a été un instrument pédagogique valable mais qui occultait l’accès à la pleine rencontre avec Dieu dans la joie et la liberté. L’Esprit arrache le voile et nous permet de vivre la liberté de l’amour. En nous, la conversion s’impose comme le saut pour passer de l’Ancien Testament au Nouveau Testament : « C’est quand on se convertit au Seigneur, que le voile tombe car le Seigneur c’est l’Esprit et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 2,16- 17).
Comment vivons-nous et transmettons-nous cette expérience que le ministère de l’Esprit qui nous a été confié, nous rend vraiment libres et réalise la nouvelle création, la nouvelle humanité ? Il ne s’agit pas d’une liberté capricieuse qui règlerait notre vie au gré de nos propres désirs et des désirs de la vieille humanité. Ce serait tomber dans l’esclavage, tentation permanente (Gal 3,1-5), alors que nous avons été libérés par le Christ. « C’est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés. Donc tenez bon et ne vous remettez pas sous le joug de l’esclavage » (Gal 5,1). Le chemin de la véritable liberté, qui est le chemin de la vérité n’est pas facile. Il est jalonné de faux prophètes, charmeurs, qui séduisent sous l’apparence de la liberté mais, finalement, conduisent à l’esclavage car ils trompent et sèment des embûches.
La véritable liberté est inséparable de la vérité qui est le Christ lui-même, la parole vivante du Père : « Si vous demeurez dans ma parole vous serez vraiment mes disciples. Vous connaîtrez alors la vérité et la vérité vous rendra libres » (Jn 8,31- 32). Nous sommes conscients que vivre dans la vérité, parvenir à être libres est un chemin contesté, plein de difficultés, de contradictions. L’Esprit de la vérité est en conflit avec l’esprit du monde qui se laisse habituellement séduire par le mensonge.
Dans la Croix et la contradiction
Celui qui se laisse conduire par l’Esprit Saint entre en conflit et en tension avec le monde, avec ce que nous pouvons appeler « la chair » (Gal 5,16-18). Jésus conduit par l’Esprit, annonce la Bonne Nouvelle dans la synagogue de Nazareth. Ce que l’Esprit le pousse à annoncer déclenche un conflit avec ses compatriotes. La nouveauté de l’Esprit s’oppose à la loi et à l’esprit du monde : « Il se leva. Ils le poussèrent hors de la ville et le conduisirent jusqu’à un escarpement de la colline sur laquelle leur ville était bâtie pour l’en précipiter » (Lc 4,29).
L’Esprit scrute tout, éclaire tout jusqu’au plus secret et au plus caché. Il dévoile les intentions cachées. C’est pour cela que la vieille humanité ne s’ouvre pas facilement à l’Esprit de la vérité. Au contraire, souvent elle le chasse et tente de l’éteindre au-dedans et autour d’elle : « L’homme, par nature, n’accepte pas ce qui vient de l’Esprit de dieu. C’est folie pour lui et il ne peut le connaître, car c’est par l’Esprit qu’on en juge » (1 Co 2,14). Mais, à nous, il a été donné de voir les choses avec l’intelligence et le regard de l’Esprit, avec la pensée et la mentalité de Dieu qui contraste tant avec l’esprit du monde : « L’homme spirituel juge de tout et ne relève lui-même du jugement de personne. Qui donc a connu la pensée du Seigneur pour lui faire la leçon ? Et nous l’avons, nous, la pensée du Christ » (1 Co 2,15-16).
Ces envoyés de Jésus rencontrent comme lui des résistances à l’action de l’Esprit Saint. Celle-ci s’accomplit dans l’épreuve, le combat, la confrontation avec l’esprit du monde, avec Satan comme le rappelle le récit des tentations. L’obéissance de la foi s’impose. De même, la fidélité du Fils à la Parole du Père, car le Fils est possédé par l’Esprit Saint qui le conduit dans la réalisation de la mission dont l’a chargé (Lc 4,1-13). Dès le commencement, la mission de Jésus s’est frayé un chemin au milieu de la confrontation avec le monde parmi ceux résistent à croire à Celui que le Père a envoyé : « Qui croit en lui n’est pas jugé. Qui ne croit pas est déjà jugé parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Le jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises » (Jn 3,18-19). L’Esprit Saint est celui qui nous conduit vers la vérité toute entière, qui éclaire toute l’obscurité, qui met tout à la lumière. Les résistances surgissent en nous parce que nous n’acceptons pas cette vérité, parce que nous nous protégeons dans notre propre forteresse. C’est pour cela que le ministère de l’Esprit, qui constitue le prophète, se heurtera à la tension, la croix, le conflit : « Quand il viendra, l’Esprit de vérité, il confondra le monde en matière de péché, en matière de justice et en matière de jugement : le péché parce qu’ils ne croient pas en moi ; de justice parce que je vais au Père et que vous ne me verrez plus ; de jugement parce que le prince de ce monde est condamné » (Jn 16,8- 11).
Voilà le grand travail de l’Esprit Saint. Nous sommes devenus aussi porteurs de son ministère, pas par nous-mêmes, bien sûr, pas de notre propre initiative, mais par choix et appel de Dieu. Ce ministère nous dépasse et nous n’en sommes pas capables. C’est lui qui, par sa présence continue et par l’ordination nous rend capables de réaliser ce sublime service.
II – Dieu nous rend aptes au ministère de la Nouvelle Alliance
Ce ministère de l’Esprit est don. Personne ne peut se le donner à lui-même au titre de ses qualités, vertus, mérites. Celui qui nous fait et constitue ministres de la Nouvelle Alliance, c’est l’Esprit. Il ne s’agit donc pas d’une fonction dont quelqu’un pourrait s’acquitter de sa propre initiative ou décision, pas plus qu’au titre de son appartenance à une tribu, à une famille sacerdotale : « Ce n’est pas que de nous-mêmes nous ayons qualité pour revendiquer quoi que ce soit comme venant de nous, non, c’est Dieu qui nous a donné qualité, qui nous a qualifiés pour être ministres d’une Alliance Nouvelle, non de la lettre, mais de l’Esprit, car la lettre tue, l’Esprit vivifie » (2 Co 3,5-6).
Nous qui avons reçu le ministère de la Nouvelle Alliance, nous appartenons à l’Esprit de Dieu. Il est la source, l’âme de notre ministère. Il rend possible une relation personnelle et vivante avec la Trinité. Il nous fait dépasser la tendance à ritualiser le ministère et les manifestations religieuses comme cela arrivait dans l’Ancien Testament.
L’Esprit qualifie Jésus et les apôtres pour la mission
Au début de son ministère, Jésus est rempli de l’Esprit Saint et, par là, réalise la mission confiée par le Père d’annoncer et de rendre présent son règne qui est Bonne Nouvelle pour tous, particulièrement pour les pauvres.
Les commencements du ministère de Jésus se présentent à nous comme une éclosion de l’Esprit en sa personne et en son action apostolique. C’est ce que montrent bien le baptême dans le Jourdain (Lc 3,21-22), les tentations dans le désert (Lc 4,1) et le premier discours à la synagogue de Nazareth (Lc 4,14-19). Tout l’abondant ministère exorciste de Jésus qu’il confie ensuite aux disciples, reflète cette réalité : Jésus est possédé par l’Esprit de Dieu et vient à bout de l’esprit du mal, des mauvais esprits, montrant ainsi que le Règne de dieu est déjà à l’œuvre : « Si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est qu’alors le Royaume de Dieu est arrivé pour vous » (Lc 11,20).
Les apôtres, à Pentecôte, reçoivent le don de l’Esprit Saint (Ac 2,1-13). Les apôtres confient le ministère à ceux qui sont choisis, au moyen de l’imposition des mains par laquelle ils reçoivent le don de l’Esprit Saint comme il arrive à Saul : « Alors Ananias partit, entra dans la maison, imposa les mains à Saul et lui dit : « Saul, mon frère, celui qui m’envoie, c’est le Seigneur, ce Jésus qui t’est apparu sur le chemin par où tu venais. Et c’est afin que tu recouvres la vue et sois rempli de l’Esprit Saint » (Ac 9,17 ; 6,6 ; 13,2-3 ; 1 Tim 4,14 ; 2 Tim 1,6).
Porteurs du ministère de l’Esprit
L’Esprit Saint que nous avons reçu nous permet d’entrer en communion avec Jésus Christ et avec le Père et de pouvoir tout voir avec les yeux et la mentalité de Dieu. C’est lui qui nous transforme réellement en Christ et nous rend aptes à le rendre présent aujourd’hui dans le monde, bien que pas facilement reçu, ni perçu. « L’homme n’accueille pas naturellement ce qui est de l’Esprit de dieu : c’est folie pour lui et il ne faut le connaître car c’est par l’Esprit qu’on en juge. L’homme spirituel, au contraire, juge de tout et ne relève lui-même du jugement de personne. Qui donc a connu la pensée du Seigneur pour lui faire la leçon. Et nous l’avons, nous, la pensée du Christ » (1 Co 2,14-16).
Possédés par l’Esprit Saint, nous avons l’esprit du Christ et nous sommes en pleine communion avec lui. C’est l’Esprit qui nous rend capables de réaliser le ministère. C’est lui qui réalise aussi toute une action de recréation et de transformation du cœur de l’homme et du monde. Voilà bien la grande nouveauté de cette Alliance que Dieu a scellée avec l’humanité dans le Christ, par l’Esprit : « Notre lettre, c’est vous. Une lettre écrite en nos cœurs, connue et lue par tous les hommes. Oui, vous êtes manifestement une lettre du Christ rédigée par nos soins, écrite non avec de l’encre, mais avec l’Esprit de dieu vivant non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs » (2 Co 3,2-3 ; Jr 31,31-34). Comment accueillons-nous et reconvertissons-nous l’action de l’Esprit en nous, dans les pauvres, dans le milieu et le monde où nous vivons. Nous considérons-nous comme une œuvre écrite par l’Esprit Saint qui reflète son action créatrice en ce monde et en ce moment ?
Nous sommes ministres d’une Parole qui n’est pas la nôtre. Cette Parole, c’est l’Esprit qui l’a écrite dans le cœur des personnes et non dans la pierre, ni même dans un livre. Nous sommes appelés à lire, à apprendre à lire ce que l’Esprit a écrit dans les cœurs. Cette Parole, que l’Esprit actualise, rend présente, c’est le Verbe, Jésus Christ ressuscité. Cette Parole excellente dépasse celle de l’Ancien Testament : en effet, elle est le Fils lui-même, c’est-à-dire tout ce que le Père a voulu communiquer. Ainsi la loi est dépassée et nous entrons en relation dans une rencontre personnelle vécue dans la foi et dans l’amour. Voilà la grande nouveauté : « Si le ministère de la mort, gravé en lettres sur des pierres, a été entouré d’une telle gloire que les enfants d’Israël ne pouvaient regarder fixement le visage de Moïse en raison de la gloire, pourtant passagère de ce visage, comment le ministère de l’Esprit n’en connaîtrait-il pas davantage ? » (2 Co 3,7-9).
La parole que nous annonçons ne se fonde pas sur l’éloquence, ni sur la capacité de réflexion, ni sur la rhétorique d’un discours bien élaboré, bien construit, mais sur l’action de l’Esprit, sur ce fondement solide qui est Dieu lui-même en qui nous mettons notre confiance et de qui nous vient le don de la foi : « Ma parole et mon message n’avaient rien des discours persuasifs de la sagesse. C’était une démonstration d’Esprit et de puissance afin que notre foi reposât, non point sur la sagesse des hommes mais sur la puissance de Dieu » (1 Co 2,4-15).
Mais une mission aussi sublime est vraiment sans commune mesure avec nos pauvretés et notre fragilité. La qualification pour le ministère nous est donnée. C’est le don de Dieu qui nous renouvelle et nous transforme par le dynamisme de l’Esprit : « Qui donc est à la hauteur d’une telle tâche. Nous ne sommes pas, en effet, comme la plupart qui trafiquent de la Parole de Dieu. Non, c’est en hommes sincères, c’est en envoyés de Dieu que, devant dieu, nous parlons dans le Christ » (2 Co 2,16- 17). Le véritable acteur, c’est l’Esprit. Nous, nous ne sommes que serviteurs, collaborateurs associés à son action créatrice.
III – Seconder l’action de l’Esprit
Quant à nous, il nous a été confié le ministère de l’Esprit. Le Seigneur a voulu poursuivre son œuvre par l’action et habitation de l’Esprit Saint en nous. Pour cette raison, notre ministère porte en lui le dynamisme de l’Esprit et l’aptitude à en produire les fruits, bien conscients que nous sommes, que ce n’est pas nous qui les produisons mais bien l’Esprit de Dieu lui-même : en ressuscitant Jésus d’entre les morts, l’Esprit fait toutes choses nouvelles : « Aussi ne connaissons-nous plus désormais personne selon la chair. Même si nous avons connu le Christ, nous ne le connaissons plus ainsi à présent. Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là » (2 Co 5,17 ; Is 43,18-19).
L’Esprit à travers nous, et en nous, poursuit le ministère commencé en Jésus, son oint, dont l’irruption en ce monde instaure la nouveauté du Règne de Dieu. Poussé par l’Esprit dont il était rempli, Jésus continue son ministère en Galilée, annonçant la Bonne Nouvelle, provoquant l’admiration et aussi la perplexité et l’hostilité devant la proposition novatrice et déconcertante de son annonce qui mettait en crise la religiosité de la loi et du Temple, pour révéler un Dieu présent et agissant tout spécialement en faveur des pauvres et des exclus (Lc 4,14-30 ; Jn 3,5-8 ; Jn 4,21-24).
La nouvelle justice
Le Messie est un homme possédé par l’Esprit de Dieu. C’est celui qui restaure la nouvelle justice, la justice du Royaume, celle qui veille aux droits des pauvres, et des marginaux, celle qui exalte les faibles et les sans défense : « L’Esprit de Yahvé reposera sur lui… il jugera avec justice et rectitude les faibles et les pauvres de la terre » (Is 11,2-5 ; Ps 72,3-4 ; 12-14). La nouvelle justice c’est avant tout la défense des humbles, des marginaux, et des oubliés, de ceux qui n’ont pas de possibilités. Elle ne se limite pas aux paramètres du système juridique et de la mentalité du moment. Elle s’ouvre sur de nouveaux horizons, ceux que Dieu lui-même a imprimé dans la condition humaine et c’est sa propre image (Mt 25,31-46). L’Esprit qui habite en nous, nous pousse aussi à promouvoir cette justice et à travailler à ce qu’elle soit effective dans les relations humaines, comme le souligne Jésus dans la parabole des ouvriers de la vigne : « appelle les ouvriers et remet à chacun son salaire en remontant des derniers aux premiers » (Mt 20,1-16).
La justice du Royaume a l’amour comme vêtement et la miséricorde comme entrailles. C’est ainsi que Jésus réagit devant les jugements rapides des Juifs de certains cercles et aussi devant certains comportements personnels. Les pharisiens se scandalisent de voir Jésus accueillir des publicains et des pécheurs et manger avec eux. Ceci est défendu par la loi. L’Esprit voit plus loin que la loi et atteint au plus profond de l’homme pour le sauver : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? »… Allez et apprenez ce que signifie « C’est la miséricorde que je veux et pas le sacrifice ». « Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs » (Mt 9,11-13). Même réaction devant ceux qui prétendaient juger la femme adultère. Jésus leur montre à quel point est aveugle et injuste leur manière d’exercer la justice et il leur propose une justice nouvelle, celle de la miséricorde, du pardon et du repentir : « Femme, personne ne t’a condamnée ? … moi non plus je ne te condamne pas. Va. Et désormais ne pêche plus » (Jn 8,1-11 ; Mt 9,13 ; 12,7). La nouvelle justice, celle qui est inspirée par l’Esprit, c’est celle des Béatitudes. Elle dépasse celle des scribes et des pharisiens : « Je vous le dis : si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez certainement pas dans le Royaume des Cieux » (Mt 5,20).
Voici quel est le ministère de l’Esprit que nous avons reçu : c’est celui qui réalise cette nouvelle justice qui doit prendre la place dans la société à travers la vie et le témoignage des communautés chrétiennes : amour et défense des pauvres et des petits, miséricorde : c’est par ce chemin-là que nous conduit l’Esprit de Dieu. C’est bien cela en effet, le ministère que nous avons reçu, auquel nous avons consacré notre vie pour collaborer à mettre en lumière la fraternité et la réconciliation.
La réconciliation
C’est un autre fruit de l’Esprit, du Règne messianique. L’Esprit brise les frontières. Il est capable de créer l’harmonie et la réconciliation entre ceux qui semblent acharnés à s’opposer et à s’affronter. La réconciliation est pour lui une nouvelle création, celle qui illumine le nouvel Adam, le Christ ressuscité et qui nous fait tous devenir fils de Dieu et frères les uns des autres : « La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu… Toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement. Et non pas elle seule : nous-mêmes qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons nous aussi intérieurement dans l’attente de la rédemption de notre corps » (Rm 8,19-23).
L’Esprit qui anime toute l’œuvre créatrice illumine la nouvelle humanité en abattant le mur de séparation et en réunissant en un seul peuple la diversité et la multitude des peuples qui comprennent le langage de l’Esprit : « Car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux n’a fait qu’un peuple en détruisant la barrière qui les séparait… pour créer en Sa personne, des deux un seul Homme Nouveau. Et en faisant la paix, réconcilier l’un et l’autre avec Dieu en un seul corps… Par lui, les uns et les autres, avons libre accès auprès du Père dans un même Esprit » (Eph 2,14-18). L’Esprit qui réunit le Père et le Fils est celui qui rend possible l’unité du genre humain dans la riche diversité. Un reflet nous en est, en effet, donné à Pentecôte où des gens de tout le monde alors connu, entendent, chacun dans sa propre langue, le même message d’unité (Ac 2,1-13).
L’Esprit nous introduit sur les chemins de la réconciliation, du pardon, de l’harmonie, de l’unité entre les personnes et les peuples, dépassant les affrontements, les haines, la soif de pouvoir et d’oppression, en un mot la force du péché car c’est lui qui porte atteinte à la création et la détruit. Le prophète Isaïe annonce et entrevoir les temps messianiques en lesquels l’Esprit pacifiera et réconciliera la création : « Le loup habite avec l’agneau, la panthère couche près du chameau… le lion mange de la paille comme le bœuf… On ne fait plus de mal, ni de ravages sur toute ma sainte montagne car le pays est rempli de la connaissance de Yahvé comme les eaux comblent la mer » (Is 11,1-9).
C’est la grande mission que Dieu nous a concédée : être ministre de la réconciliation, seconder l’action créatrice, unificatrice et réconciliatrice de l’Esprit en ce monde, car en certains domaines ce monde apparaît divisé, affronté, soumis à l’idolâtrie du pouvoir, du plaisir et de l’argent. L’Esprit nous libère de ce « Moi » divinité, pour nous ouvrir à la relation avec le Père et avec les frères : « Le tout vient de Dieu qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation car c’était Dieu qui, dans le Christ, se réconciliait le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes et mettant sur nos lèvres la parole de réconciliation » (2 Co 5,18-19). L’œuvre de réconciliation nous fait pénétrer dans les entrailles de l’Amour et de la miséricorde de Dieu. Au-delà du régime de la loi, la réconciliation nous introduit dans le règne de la grâce, de la jubilation et de l’amnistie totale.
Le règne de la grâce
L’Esprit nous inonde de joie, d’allégresse, du fait qu’il annule les dettes, fait oublier les offenses et les péchés liés à notre fragilité, pour nous laisser séduire vraiment par la force de la gratuité de l’amour, de son dynamisme créateur qui renouvelle tout. Jésus, rempli de l’Esprit, proclame que la mission qu’il entreprend dépasse tous les calculs et toutes les attentes. Le Règne de Dieu c’est l’an de grâce, l’année jubilaire perpétuelle. Voici le projet que Dieu fait pour l’humanité : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le retour à la vue, rendre la liberté aux opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur » (Lc 4,18-19).
Ces paroles découvrent et présentent un visage de Dieu qui suscite l’admiration, la surprise et sentent la joie et la libération mais aussi la déconvenue et l’opposition chez ceux qui vivent une religiosité ritualiste, formelle, soumise à des règles très rigides qui empêchent de s’ouvrir à la nouveauté de l’Esprit : « Tous lui rendaient témoignage et étaient en admiration devant les paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche » (Lc 4,22).
Ce ministère de l’Esprit que nous avons reçu est un ministère de grâce, de gratuité. Il s’agit d’accueillir le don de Dieu pour qu’il nous transforme, qu’il nous renouvelle, en un mot, il s’agit de renaître : « Celui qui ne naît pas de l’eau et de l’Esprit ne peut entrer dans le Royaume de Dieu » (Jn 3,5). Naître, c’est douloureux bien sûr, mais c’est une source de joie, de jouissance » (Jn 16,21-22). C’est bien cela la grande œuvre de l’Esprit : il est la source. C’est pour cela que tout est grâce : « De sa plénitude nous avons tous reçu grâce pour grâce » (Jn 1,16).
Le chrétien et plus spécialement le prêtre, doit être imprégné de l’Esprit Saint, possédé par lui car il a reçu un ministère spirituel. Le Père Chevrier a découvert et expérimenté ce qu’est l’Esprit dans la vie du chrétien et du prêtre. « Avoir l’Esprit de Dieu, c’est tout. C’est tout pour soi-même. C’est tout pour une communauté » (VD 231). On pourrait ajouter : « C’est tout pour un presbyterium », pour une église locale. C’est encore le Père Chevrier qui nous rappelle que l’Esprit de Dieu est le plus grand trésor, le plus beau cadeau que Dieu nous fait. Ce qui suppose d’être en attitude pour le recevoir et aussi pour le demander pour nous et pour les autres : « L’Esprit de Dieu ? le donner à quelqu’un, c’est le plus grand trésor dont Dieu puisse lui faire cadeau. Et le plus grand trésor de Dieu sur la terre, c’est de donner son Esprit à certains hommes pour que les autres puissent le voir, le consulter, le suivre et tirer profit de lui » (VD 229). Une fois de plus, nous sommes appelés à actualiser et à faire passer dans la vie ces paroles du Père Chevrier, tant de fois lues et méditées, sur ce que nous devons faire pour acquérir l’Esprit de dieu : « En étudiant le Saint Evangile et en priant beaucoup » (VD 227).
Xosé Xulio RODRIGUEZ FERNANDEZ
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