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La rencontre nationale des Prêtres du Prado au Vietnam
Bienvenue sur le nouveau site web de l’Association des prêtres du Prado !
Fête de l’Épiphanie 2024 : avec les Mages, le nouveau site des prêtres du Prado t’apporte une bonne nouvelle : tu peux découvrir en ligne cette nouveauté !
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Tu y découvriras aussi des nouveautés, par exemple :
– la traduction en différentes langues (à choisir la langue en haut à droite de la page d’accueil)
– des vidéos témoignages de pradosiens
– l’actualité récente de la vie de l’Institut dans le monde
– et d’autres textes encore…
Comme les mages, ce site est “en chemin”… Durant tout ce mois de janvier il est en construction. Alors n’hésite pas à nous faire part de tes remarques. Elles seront très précieuses pour l’équipe éditoriale qui les prendra en compte pour faire évoluer le site au cours des mois à venir. Pour cela, il suffit d’utiliser le formulaire de contact (Onglet ‘Contacts’).
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Les permanents des Prêtres du Prado

Pratique du ministère chez Saint-Paul
Le Père Chevrier considérait Saint Paul comme le modèle de l’apôtre, le modèle du prêtre. Il n’a pas cessé, tout en scrutant les Évangiles, de se mettre aussi à l’écoute de ce que l’Esprit Saint pouvait lui révéler à partir de l’étude des textes de Paul. C’est ce travail qui se prolonge ici dans une méditation consistante du ministère de l’Apôtre des nations. Saint Paul est cet homme « choisi par Dieu » qui a conscience d’avoir été « mis à part » par lui sur la route de Damas, qui a mûri sa foi dans la maison d’Ananias pour une seule tache « annoncer l’Évangile » au monde. Les actes des apôtres nous le montrent envoyé avec Silas pour une première mission en Samarie puis en Asie mineure, puis enfin jusqu’au cœur de l’empire. Il prend les grandes voies romaines et cherche les points de rencontres. Ici ce sont les synagogues afin de dévoiler au peuple de l’alliance la nouvelle alliance et puis le voilà sur les places et les routes, au bord du fleuve comme dans les théâtres. En cela, il imite le maître qui est allé dans les synagogues et les maisons comme dans le temple ou sur la margelle du puits. Comme Jésus Paul cherche les hommes et les femmes travaillés par l’Esprit Saint. Dans cette étude d’Évangile, nous allons nous attacher à comprendre comment Paul vit son ministère et en dégager quelques caractéristiques.
I – PAUL : UN MINISTÈRE DE FONDATION PAR L’ANNONCE DE l’ÉVANGILE
I.1 – Lorsque Paul arrive dans une communauté, cherche à comprendre et rejoindre le peuple auquel il est envoyé. Ainsi, à l’égard des Corinthiens « Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous, afin de gagner le plus grand nombre. Je me suis fait Juif avec les Juifs, afin de gagner les Juifs ; sujet de la Loi avec les sujets de la Loi — moi, qui ne suis pas sujet de la Loi — afin de gagner les sujets de la Loi. Je me suis fait un sans loi avec les sans loi — moi qui ne suis pas sans une loi de Dieu, étant sous la loi du Christ — afin de gagner les sans loi. Je me suis fait faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d’en sauver à tout prix quelques-uns. Et tout cela, je le fais à cause de l’Évangile. » (1Co 9, 19-22). Il regarde les gens auquel s’adresse la Parole. Il parle d’une manière juive avec les juifs expliquant au travers de l’histoire du peuple hébreux les préparations du Messie. Ainsi à Antioche de Pisidie, il revisite toute l’Écriture. Il montre comment Dieu parle à son peuple et agit pour son peuple pour en arriver à Jésus que Dieu ressuscite : « Nous aussi, nous vous annonçons cette bonne nouvelle : la promesse faite aux pères, Dieu l’a pleinement accomplie à l’égard de nous, leurs enfants, quand il a ressuscité Jésus » (Ac 13) Mais, avec les païens, il va s’en référer au Dieu de la création, du ciel, de la terre et des étoiles. « Amis, que faites-vous là ? Nous aussi, nous sommes des hommes, soumis au même sort que vous, des hommes qui vous annoncent d’abandonner toutes ces vaines idoles pour vous tourner vers le Dieu vivant qui a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve. Dans les générations passées, il a laissé toutes les nations suivre leurs voies ; il n’a pas manqué pour autant de se rendre témoignage par ses bienfaits, vous dispensant du ciel pluies et saisons fertiles, rassasiant vos cœurs de nourriture et de félicité… » (Ac 14, 15-17).
I.2 – Toujours il cherche à greffer sur un savoir religieux, sur une approche du monde la bonne Nouvelle de l’Évangile, car Dieu est toujours à l’œuvre depuis la création du monde. Lors de sa venue à Athènes il cherche à joindre la sagesse grecque mais son message est peu reçu ; à Corinthe il se met à l’écoute du petit peuple des pauvres, sans grande instruction. Il sait combien est grande la ville avec les cultures diverses, propres aux grands ports. Y avait-il 500 000 citoyens, esclaves, prostituées, riches et pauvres ? peut-être pas mais la ville était très grande avec une population cosmopolite avec son commerce et sa moralité approximative. A cette ville marquée de diverses pauvretés, il décide d’annoncer le Christ pauvre et crucifié. C’est ainsi qu’il veut donner le visage du Christ pauvre aux Corinthiens afin qu’ils connaissent, au travers de leur pauvreté, ce Dieu aussi surprenant. « Pour moi, quand je suis venu chez vous, frères, je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige de la parole ou de la sagesse. Non, je n’ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié. Moi-même, je me suis présenté à vous faible, craintif et tout tremblant ; ma parole et mon message n’avaient rien des discours persuasifs de la sagesse ; c’était une démonstration d’Esprit et de puissance, pour que votre foi reposât, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. » (1 Co 2, 1-5).
I.3 – Paul témoigne alors d’une conviction profonde : le fondement d’une communauté, en définitive, c’est la personne du Christ. Il le dit lui-même au chapitre 3 « Selon la grâce de Dieu qui m’a été accordée, tel un bon architecte, j’ai posé le fondement. De fondement, en effet, nul n’en peut poser d’autre que celui qui s’y trouve, c’est-à-dire Jésus Christ » (1 Co 3). Le ministère de fondation d’une communauté paulinienne c’est de permettre au Christ d’être à la base et au principe d’une vie de disciple et d’une vie communautaire. Comme il voudrait que lestous les païens puissent accéder à telle grâce ! Lui qui se perçoit comme envoyé pour prêcher à tous les païens « l’obéissance de la foi » (Ro 1,5).
• Prenons-nous suffisamment le temps de regarder la situation humaine d’un pays, d’une ville, d’un quartier ou d’un village, les mentalités et tout ce qui façonne la vie des hommes ? Quel effort d’écoute et d’intelligence spirituelle en vue de fonder l’Église de Dieu chez les plus loin, les plus pauvres ?
• Paul a su se faire proche, juif avec les juifs, grec avec les grecs, pour que le message soit entendu et que les hommes puissent entrer « en communion avec le Fils de Dieu, Jésus-Christ, notre seigneur » (1 Co 1, 2-9). Quelle proximité de notre ministère ?
• Nous entendons le Père Chevrier dire : « Il faut donc bâtir sur Jésus-Christ, sur sa parole et la mettre en pratique, et notre maison sera bâtie sur le rocher » VD 103 « C’est lui qu’il faut chercher et poser comme fondement de tout » VD 103, Ms X 21
II – PAUL : UN MINISTÈRE PASTORAL D’ACCOMPAGNEMENT ET D’ÉDIFICATION
II.1 – Paul lorsqu’il fonde une communauté, il ne l’abandonne pas. Il dure avec elle, surtout si la situation est délicate. Elle est précaire chez les Corinthiens. La petite communauté est constituée de gens pauvres, traversée par des divisions internes (1,10-12 et 3,3-4), troublée par l’inconduite et la débauche de certains de ses membres (5,1 sv, 6,9-10 et 18), par des problèmes avec les païens sur les viandes sacrifiées aux idoles (8 et 10), une contestation est portée sur le ministère (Co 9 et 2).
II.2 – C’est la raison de ses efforts apostoliques constants. Il envoie des lettres, 4 sans doute aux Corinthiens ; il en envoie une qui reste sans effet. Il envoie alors Timothée (1 Co 4,17) qui contribuera à mettre de l’ordre dans les problèmes, rappelant « les principes de vie en Christ » (1 Co4,17) et que « le royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en action » (1 Co 4,20). Lui-même, Paul, envoie cette première lettre canonique où il tente de répondre point par point pour remettre la communauté dans l’esprit de l’alliance. Il le fait avec assurance. Prenons un exemple, le cas d’inconduite : « Purifiez-vous du vieux levain, écrit-il, car le Christ notre Pâque a été immolé (1 Co 5,7). Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ, le temple du Saint Esprit ? (1 Co 6,15 et 19). Prenons celui de la relation avec les païens. Paul écrit : « Il n’y a pour nous qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et vers qui nous allons, et un seul Seigneur, Jésus Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes. » (1 Co 8,6) et ajoute un repère pour celui qui a découvert la nouveauté de la foi : « grâce à ta connaissance, le faible périt, ce frère pour lequel le Christ est mort » (1 Co 8 ,11) ; « en blessant la conscience ce qui est faible, c’est contre le Christ que vous péchez » (1 Co 8,11). Prenons le cas de la prière en langues : A quoi sert de prier Dieu si la prière ne contribue pas à édifier les frères dans une action de grâce éclairée ou si elle scandalise celui qui n’est pas initié. « Que tout se passe de manière à édifier » dit Paul. (1 Co 14,26) et il ajoute : « Dieu n’est pas un Dieu de désordre mais de paix » (1 Co 14,33).
II.3 – A travers ces exemples nous percevons comment Paul travaille à remettre les Corinthiens dans une route de disciple. Il ne fait pas, d’abord la morale. Il recentre sur le dessein de Dieu, sur le mystère du Christ, et sur le sens du frère pauvre qu’il faut respecter ; sur ces points, il se montre insistant dans le chapitre 10 (14-31) montrant la nouveauté du repas pascal, la liberté des enfants de Dieu et en même temps le nécessaire respect d’autrui : « « Tout est permis » ; mais tout n’est pas profitable. « Tout est permis » ; mais tout n’édifie pas. Que personne ne cherche son propre intérêt, mais celui d’autrui » (1 Co 10,23-24). 2.4 – Tous ces efforts visent à communiquer la vie du Christ. Tite est encore envoyé à Corinthe, mais la situation n’a guère changé. Paul alors décide de partir pour Corinthe (2 Co 13,2), mais c’est l’affrontement. Il repart brusquement. C’est dans cette lettre, la deuxième canonique, rédigée « dans les larmes » qu’il s’explique, exposant son ministère auprès d’eux. Il envoie à nouveau Tite (2 Co 2,13). La mission sera bonne (2 Co 7,13). Nouvelle lettre, et nouvelle visite de Paul. Il veut absolument que la communauté puisse être édifiée en Christ. « C’est devant Dieu en Christ que nous parlons. Et tout cela bien aimés, pour votre édification » (2 Co 12,29). Lui-même a pris soin de travailler de ses mains pour ne mettre aucun obstacle à l’accueil de la Parole de Dieu. Il n’a été à charge de personne (2 Co 9) et n’use pas de son droit d’apôtre : c’est un ministère de gratuité qu’il veut offrir : « Oui, malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! Si j’avais l’initiative de cette tâche, j’aurais droit à une récompense ; si je ne l’ai pas, c’est une charge qui m’est confiée. Quelle est donc ma récompense ? C’est qu’en annonçant l’Évangile, j’offre gratuitement l’Évangile, sans user du droit que me confère l’Évangile ». C’est d’un engendrement douloureux qu’il s’agit par fidélité au dessein de Dieu et par amour de la communauté ; et tout cela dans la peine : « Labeur et fatigue, veilles fréquentes, faim et soif, jeûnes répétés, froid et nudité ! Et sans parler du reste, mon obsession quotidienne, le souci de toutes les Églises ! Qui est faible, que je ne sois faible ? Qui vient à tomber, qu’un feu ne me brûle ? » (2 Co 11,27-29). Et cet engendrement est un acte du Christ ressuscité agissant « en la personne » de Paul : « Puisque vous cherchez une preuve que le Christ parle en moi, lui qui n’est pas faible à votre égard, mais qui est puissant parmi vous. Certes, il a été crucifié en raison de sa faiblesse, mais il est vivant par la puissance de Dieu. Et nous aussi, nous sommes faibles en lui, bien sûr, mais nous vivrons avec lui, par la puissance de Dieu à votre égard » (2 Co 13). Cet engendrement consiste, à travers sa vie compatissante, à faire advenir des hommes semblables au Christ, des personnes christiques : « Auriez-vous en effet des milliers de pédagogues dans le Christ, que vous n’avez pas plusieurs pères ; car c’est moi qui, par l’Évangile, vous ai engendrés dans le Christ Jésus. Je vous en prie donc, montrez-vous mes imitateurs » (1 Co 4,15). 2.5 – Nous entrons alors dans ce regard contemplatif de Paul, rempli de foi en l’action de l’Esprit au sein même de ses efforts : « notre lettre c’est vous, lettre écrite dans nos cœurs, connue et lue par tous les hommes. De toute évidence vous êtes une lettre du Christ confiée à notre ministère, écrite non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs » Et il ajoute « ce n’est pas à cause d’une capacité personnelle que nous pourrions mettre à notre compte, c’est de Dieu que vient notre capacité ». Contemplatif et collaborateur de l’Esprit ! Tel est le lien de Paul à la communauté. Ce même attachement à la communauté, née dans l’Esprit, nous l’avons trouvé dès le début apostolique de Paul. Lynché à Iconium, il y revient quelque temps après pour fortifier la communauté naissante : « Après avoir annoncé la Bonne Nouvelle dans cette ville et y avoir fait d’assez nombreux disciples, ils repassèrent par Lystre, Iconium et Antioche. Ils y affermissaient le cœur des disciples et les engageaient à persévérer dans la foi : « Il nous faut, disaient-ils, passer par beaucoup de détresses, pour entrer dans le Royaume de Dieu. Dans chaque Église ils leur désignèrent des anciens, firent des prières accompagnées de jeûne et les confièrent au Seigneur en qui ils avaient mis leur foi » (Ac 14). Lorsque Paul passe par Milet, Il raconte combien il n’a pas ménagé sa peine pour « instruire juif et grecs, en public » et en privé du mystère de Dieu, afin, par son témoignage de « se convertir à lui et croire en notre Seigneur Jésus » (Ac 14, 21). Et il ajoute encore « Je peux donc l’attester aujourd’hui devant vous : je suis pur du sang de tous. Je n’ai vraiment rien négligé : au contraire, c’est le plan de Dieu tout entier que je vous ai annoncé » (Ac 20). Corinthe, Iconium, Milet : des rendez-vous où nous comprenons la sollicitude de Paul pour toutes les Eglises, pour ceux et celles qu’il engendre à la foi, « le sceau de mon apostolat » (1 Co 9, 2). Comme un berger il prend soin du Troupeau, le recentre sur le vrai Berger et sur les frères et en particulier les plus pauvres. Il peine pour le troupeau qui lui a été confié.
• Nous pouvons nous interroger : quel amour portons-nous aux communautés qui nous sont confiées et auxquelles nous sommes donnés ? Qu’est-ce qui nous fait tenir dans la peine ?
• Quel ministère de conduite de la communauté, au nom du Christ ressuscité, vivons-nous ? (Édification, accompagnement, remise sur la route de l’Évangile selon quelle manière de « reprendre » selon l’expression du Père Chevrier)
• « Engendrer dans le Christ » : quelle résonance dans notre ministère ?
• A quelle redécouverte du ministère du Père Chevrier sommes-nous conduits ?
III – PAUL : UN MINISTÈRE DE FORMATEUR DE RESPONSABLE DE COMMUNAUTÉ
III.1 – Paul a le sens de la durée ; il appelle des responsables qu’il confie au Seigneur. Nous le voyons lors de son ministère en Asie. « Dans chaque Église, Paul et Barnabé désignèrent des anciens, firent des prières accompagnées de jeune et les confièrent au Seigneur, en qui ils avaient mis leur foi » (14,23). Paul désigne des anciens en qui il discerne la foi et qui sont remplis de l’Esprit Saint ; il les trempe dans la foi par la prière et le jeûne, pour les confier au Seigneur, dans un lien d’appartenance. Paul alors peut partir d’Iconium en sachant que c’est le Seigneur qui sera leur appui, comme il partira de Milet en remettant les responsables « à Dieu et à sa parole de Grâce qui a la puissance de bâtir l’édifice et d’assurer l’héritage à tous les sanctifiés » (Ac 20,32).
III.2 – Mais, en remettant ces responsables à Dieu et à son dessein de salut envers l’humanité, Paul les engage, selon Paul, à être des veilleurs eux-mêmes sur deux points. D’abord il les engage à veiller sur eux-mêmes en prenant soin de la grâce de Dieu qui leur a été faite et du dépôt de l’Évangile qui leur a été confié. « Veillez sur vous-mêmes », c’est-à-dire veillez sur ce que vous êtes devenus par grâce et par appel Ensuite il les engage à veiller sur tout le troupeau, à « prendre soin de tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a établis gardiens » (Ac 2,28). N’est-ce pas, leur dit-il, l’Église de Dieu tout entière qu’il s’agit de nourrir selon le dessein de sa grâce, cette Eglise qu’il s’est acquise par son propre sang ? » Il forme des apôtres de Dieu qui soient des contemplatifs de sa communauté : elle porte la marque de Dieu, dans le sang du Christ. Dieu y a fait son œuvre ; elle appartient à Dieu.
III.3 – Par là il ouvre les responsables à la grandeur de ce service, celui de nourrir un tel peuple sauvé et sanctifié par le sang du Christ. Le ministère de Paul, « marqué du sceau de l’Esprit » apparaît comme celui d’un témoin consacré à ce peuple sauvé par le sang du Christ et qui appelle des responsables à l’imiter : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ » (1 Co 11,1), lui, Paul, portant en sa chair les marques de la passion du Seigneur Jésus : « Je porte dans mon corps les marques de Jésus » (Ga 6,17). A nous alors se pose la question :
• Comment formons-nous des responsables de communauté à la manière de Paul, dans un agir qui consiste à discerner, tremper dans la prière, dans l’ascèse, dans la conscience d’appartenir à Dieu, dans la conscience du mystère de l’Église, dans la grandeur du service d’un tel mystère ?
IV – PAUL : UN MINISTÈRE PARTAGÉ AVEC DES COLLABORATEURS
Sans doute le tempérament de Paul ne fut-il pas de tout repos pour ses collaborateurs. Mais son ministère s’exerçait souvent avec des collaborateurs dont il parle avec affection. Évoquons Tite « mon frère » (2 Co 2,13), « mon compagnon et mon collaborateur » (2 Co 8,23) ; « grâce soit à Dieu qui a mis au cœur de Tite le même zèle pour vous » (2 Co 8,16) ; « n’avons-nous pas marché dans le même esprit » (2 Co 12,18). Timothée est qualifié « d’enfant chéri et fidèle dans le Seigneur ; il vous rappellera mes principes de vie en Christ » (1 Co 4,17). Et puis il y a Silas (Ac 18,5) et cet autre frère (non identifié) dont « les Églises chantent la louange au sujet de l’Évangile » (2 Co 8,18), celui « dont nous avons souvent, dans bien des cas, éprouvé le zèle » (2 Co 8,22) ; (2 Co 12,18). Dans beaucoup de villes Paul aime s’associer des collaborateurs venus au Christ. Ce sont pour lui des témoins d’Évangile, des relais dans l’action apostolique. A Corinthe, nous rencontrons un bon nombre de personnes : Priscille et Aquila (Ac 18,2 et 18 et 16,19), Titius Justus (Ac 18,7) Crispus (Ac 18,8), Sosthène (Ac 18,17 et 1 Co 1,1), les gens de Chloé (1 Co 1,11), Appolos (1 Co 16,12), Stéphanas et sa famille (1 Co 16,15) ; Fortunatus et Archaïcus (1 Co 16,17). Ce ministère partagé est ministère d’équipe. Chacun occupe, à partir de sa situation, une place dans la mission. Ainsi l’Evangile est répandu de relais en relais d’Évangile.
• Beaucoup de nos champs apostoliques dans le monde des pauvres sont semblables à celui de Corinthe. L’Evangile a de la peine à toucher les cœurs, les mentalités, les structures de la société. Quels collaborateurs, pour porter l’Évangile au plus près de la vie des gens, cherchons-nous et comment les cherchons-nous ?
• Comment les formons-nous ? Comment travaillons-nous avec eux dans l’affection fraternelle ? (Notamment dans les pays où il y a des Équipes d’Animation Pastorale)
V – PAUL : UN MINISTÈRE DE COMMUNION AU CHRIST, LE SERVITEUR DU DESSEIN DU PÈRE
Paul a une conscience extrême d’être, avec ses compagnons, « des serviteurs du Christ et des intendants des mystères de Dieu. » (1 Co 4, 1). En rien il ne « cherche sa gloire et n’attache du prix à sa vie » (Ac 20). C’est un homme, selon l’expression du Père Chevrier, qui « veut être, comme son maître », faisant l’œuvre du Père.
V.1 – C’est pourquoi nous voyons Paul sortir comme un envoyé en mission : « Il y avait à Antioche, dans l’Église du lieu, des prophètes et des hommes chargés de l’enseignement : Barnabas, Syméon appelé Niger et Lucius de Cyrène, Manaen compagnon d’enfance d’Hérode le tétrarque, et Saul. Un jour qu’ils célébraient le culte du Seigneur et jeûnaient, l’Esprit Saint dit : « Réservez-moi donc Barnabas et Saul pour l’œuvre à laquelle je les destine. Alors, après avoir jeûné et prié, et leur avoir imposé les mains, ils leur donnèrent congé » (Ac 13). Au début de la lettre aux Corinthiens, Paul révèle lui-même sa conscience apostolique : « Paul appelé à être apôtre du Christ Jésus par la volonté de Dieu » (1 Co 1,1) (également Rm 1,1 : « Paul, serviteur du Christ Jésus, apôtre par vocation, mis à part pour annoncer l’Évangile de Dieu ».
V.2 – Nous le voyons encore obéir dans les événements à l’Esprit. En Pisidie, quand les juifs le rejettent, il se tourne vers les païens : « Paul et Barnabas eurent alors la hardiesse de déclarer : “C’est à vous d’abord que devait être adressée la parole de Dieu ! Puisque vous la repoussez et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, alors nous nous tournons vers les païens” » (Ac 13). Dans le conflit qui l’amène à être jugé par l’empereur, il voit « l’occasion » (Rm 1,10) qui lui est donnée de porter l’Évangile à Rome. Il se laisse mener par l’Esprit.
V.3 – Jusque dans les souffrances apostoliques il veut être comme son maître. « En ce moment, lisons-nous dans la lettre aux Colossiens, je trouve ma joie dans les souffrances que j’endure pour vous, et je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l’Église » (Col 1). C’est ainsi qu’il est en conformité et en familiarité avec le langage de la croix. « Le langage de la croix, en effet est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d’être sauvés, pour nous, il est sagesse de Dieu » (1 Co 1,18). Paul prêche alors avec assurance sans crainte « un messie crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, tant juifs que grecs, il est Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu ».
V.4 – Il prêche en ayant confiance que le crucifié ressuscité trouve accueil chez les pauvres. Ils sont les « appelés », les « choisis » de Dieu : « Considérez, frères, qui vous êtes, vous qui avez reçu l’appel de Dieu : il n’y a parmi vous ni beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de gens de bonne famille. Mais ce qui est folie dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages ; Ce qui est faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort » (1 Co 1,26).
V.5 – Et lui-même, Paul sait bien que ses faiblesses ne sont pas des obstacles dans l’apostolat mais une chance pour une manifestation claire de la puissance de Dieu : « Il m’a été mis une écharde en la chair, un ange de Satan chargé de me souffleter pour que je ne m’enorgueillisse pas ! A ce sujet, par trois fois, j’ai prié le Seigneur pour qu’il s’éloigne de moi. Mais il m’a déclaré : “Ma grâce te suffit : car la puissance se déploie dans la faiblesse.” C’est donc de grand cœur que je me glorifierai surtout de mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ. C’est pourquoi je me complais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les détresses, dans les persécutions et les angoisses endurées pour le Christ ; car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2 Co 12). Le trésor qu’il porte et qu’il est chargé de faire connaître est porté dans la fragilité qui laisse place à l’agir de Dieu « Ce trésor, nous le portons en des vases d’agile, pour que cette incomparable puissance soit de Dieu et non de nous » (2 Co 4,7). Le ministère de Paul est communion totale avec le Christ jusqu’en son abaissement, car il sait qu’il participe à la puissance du ressuscité. Il « sait en qui il a mis sa foi ». Seul cela compte pour Paul. « La puissance du Christ se déploie dans la faiblesse ». Ainsi le ministère de Paul est-il un ministère de puissance et de gloire puisqu’il est ajusté au Christ pauvre, abaissé jusqu’à mourir sur une croix, glorifié par le Père.
• En quoi le ministère que je vis me met en communion avec le Christ pauvre et humilié ? • Dans le monde où je vis à quelle audace et obéissance à l’Esprit, suis-je conduit pour vivre et dire la foi de Paul?
• Quelle rupture avec la culture ambiante ?
• En quoi mes faiblesses sont-elles associées et participantes à l’action du Ressuscité ?
VI – PAUL, UN « MINISTÈRE DE L’ESPRIT »
VI.1 – Paul considère son ministère « comme un ministère de l’Esprit », « établi selon l’Esprit Saint » (Ro 1,4). C’est lui, le Christ qui nous rendus capables d’être ministres d’une Alliance Nouvelle, non de la lettre, mais de l’Esprit ; car la lettre tue, mais l’Esprit donne la vie » (2 Co 3,6). Paul « illuminé par la gloire du Christ, transfiguré en cette même image avec une gloire toujours plus grande, par le Seigneur » vit un ministère de liberté, ajusté, par un « amen » total, au dessein de Dieu qui veut donner la vie au monde.
VI.2 – Ce ministère devient un ministère d’illumination. Il consiste d’abord à rechercher la proximité des hommes et leur confiance, avec l’esprit du serviteur : « Non, ce n’est pas nous-mêmes, mais Jésus Christ Seigneur que nous proclamons. Quant à nous-mêmes, nous nous proclamons vos serviteurs à cause de Jésus » (2 Co 4,5), et dans la vérité à l’égard de la Parole de Dieu à transmettre dans sa totalité : « Nous ne sommes pas en effet comme tant d’autres qui trafiquent de la parole de Dieu ; c’est avec sincérité, c’est de la part de Dieu, à la face de Dieu, dans le Christ, que nous parlons. » (2 Co 2). Cette Parole mise en proximité vise à initier les hommes à « l’illumination de l’Évangile de la gloire du Christ, lui qui est l’image de Dieu » (2 Co 4,4). Elle vise à conduire à l’obéissance de la foi, à la gloire.
VI.3 – Ce ministère est celui de l’ouverture permanente à l’Esprit. Il est celui du guetteur, toujours aux aguets de ce que l’Esprit réalise dans le cœur des gens. Voyant ce que l’Esprit fait chez les païens, Paul décide de se rendre à Jérusalem pour parler en liberté et vérité. Ne s’agit-il pas toujours de « marcher sous l’impulsion de l’Esprit » (Ga 5,16) et de lui obéir. Le ministère de Paul est un ministère d’obéissance et par là-même d’audace, non de répétition, en continuelle sortie vers le dessein du Père à l’œuvre dans l’humanité ; ce ministère a pour but d’actualiser la Nouvelle Alliance réalisée dans le mystère pascal. Nous pouvons nous demander : quelles lumières avons-nous reçues du Christ ? En quoi sont-elles une puissance conduisant à une nécessaire audace, pour vivre un ministère d’illumination ?
VII – PAUL, UN MINISTÈRE DANS LA PRIÈRE
VII.1 – Paul est un homme de prière. Il prie à la synagogue, sur le bord de la rivière (Ac 16, 13) en prison (Ac 16, 25), sur le bateau. Il prie en toute circonstance, rendant grâce à Dieu pour ce qu’il lui voit accomplir.
VII.2 – Il n’hésite pas à demander la prière de la communauté pour lui et la mission : « Priez pour nous en particulier, afin que Dieu ouvre un champ libre à notre prédication et que nous puissions annoncer le mystère du Christ ; c’est à cause de lui que je suis dans les fers ; obtenez-moi de le publier en parlant comme je le dois » (1 Co 4).
VII.3 – Il sait que c’est l’Esprit qui prie en lui et en tout disciple « Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! » (Ga 4,6). Et le travail de l’Esprit en prière est d’ajuster les saints au dessein du Père : « L’Esprit vient au secours de notre faiblesse ; car nous ne savons que demander pour prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables, et Celui qui sonde les cœurs sait quel est le désir de l’Esprit et que son intercession pour les saints correspond aux vues de Dieu. Et nous savons qu’avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein » (Ro 8,26).
VII.4 – Par l’Esprit, Paul est en communion avec le Christ son maître, et c’est là sa force ; Ainsi il demeure en « esprit de prière » selon expression du Père Chevrier. Un jour, il peut dire « ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi », perfection de l’union au Christ priant en lui le Père, faisant l’œuvre du Père. À la fin de ses lettres, il souhaite que cette communion au Christ et mystère trinitaire habite le cœur des disciples du Christ : « La grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint Esprit soient avec vous tous ! » (2 Co 13). Tel est donc cet homme accordé à Dieu et à son dessein de salut, accordé au Christ dans la puissance de l’Esprit.
CONCLUSION
Le ministère de Paul est loin d’être celui d’un fonctionnaire. Il est celui d’un homme qui se dit « serviteur de Jésus-Christ, appelé à être apôtre, mis à part pour annoncer l’Evangile de Dieu » (Ro 1,1). Toute sa vie est impliquée dans ce ministère pour dévoiler le Ressuscité présent dans le monde, espérance de la gloire. Il est consacré pour l’Evangile. C’est la puissance de son apostolat. « Je suis devenu ministre de l’Église, en vertu de la charge que Dieu m’a confiée, de réaliser chez vous l’avènement de la Parole de Dieu, ce mystère resté caché depuis les siècles et les générations et qui maintenant vient d’être manifesté à ses saints : Dieu a bien voulu leur faire connaître de quelle gloire est riche ce mystère chez les païens : c’est le Christ parmi vous ! L’espérance de la gloire ! Ce Christ, nous l’annonçons, avertissant tout homme et instruisant tout homme en toute sagesse, afin de rendre tout homme parfait dans le Christ. Et c’est bien pour cette cause que je me fatigue à lutter, avec son énergie qui agit en moi avec puissance » (Col 1,25-29). A l’école de Paul, il est difficile de penser que le ministère puisse être à temps partiel. Engagé totalement au service de l’humanité,
• Il prend les routes des hommes ; se rend là où les gens se réunissent ;
• Il regarde écoute, voit, comprend, s’ajuste, se démarque, en fidélité à la Parole ;
• Il annonce le Christ dans sa totalité, « en public comme en privé » avec l’un ou l’autre ;
• Il cherche les cœurs où résonne la Parole pour les éveiller à la loi de liberté, de communion avec le Christ. Il les forme, comme un père, un berger et les soutient ;
• Il en appelle quelques-uns pour conduire le troupeau, pour édifier une communauté et la former. Tout cela, le Père Chevrier a voulu nous le transmettre pour que notre ministère soit aussi un ministère de l’Esprit, un ministère de puissance dans la croix du Seigneur.
Gilles Gracineau, prêtre du Prado – diocèse de Limoges
La richesse de la Parole de Dieu
Proposition d’Étude de l’Évangile
« Vivez dans l’action de grâce. Que la Parole du Christ habite en vous dans toute sa richesse ! » (Col 3, 15-16)
Introduction
(Constitutions, n° 37. VD 227. Dei Verbum, 25)
Le témoignage pascal. (1 Jn 1, 1-4. Rm 1, 1-4)
Le Christ fait entrer dans la connaissance de Dieu (Mt 11, 27. VD 225. Jn 10, 14-15.27-28. Ps. 118)
I – Dieu se fait connaître
« Ecoute, Israël ! » (Dt 6, 4-7 . Jn 16, 13. Mt 22, 37-40. VD 108)
Le Fils transmet la parole du Père (Jn 8, 35. 1, 18. VD 96-97 Jn 3, 33-35. Col. 1, 15. Jn 1, 1-18. VD 59-63)
Par l’Esprit, la vérité toute entière. (Jn 16,13-14. Eph 3,4-5. 1 Co 2,13-16)
Comment l’étude spirituelle de l’Évangile est-elle la source pour aller vers le Père et connaître son Envoyé ?
Prendre un temps de louange et de contemplation : Ô Verbe ! Que vous êtes beau !
II – Accueillir la Parole
« Le Seigneur m’a ouvert l’oreille » (Es 50, 4-5)
En communauté, au cœur de la liturgie. (Nh 8, 1-12)
Pauvreté, exemple de Marie, simplicité de l’enfant (Ex 6, 9. Dt 8, 2-5. Am 8,11. Lc 1,38.2,18 VD 127-128. 1 P 1, 22-25. 2,1-3)
Témoignage et travail des Écritures (2 P 1, 16-21)
Quelle est ma soif de la Parole de Dieu et celle des chrétiens ? Comment l’accueil de la Parole me rend-elle humble et pauvre, tel le disciple devant le Maître ?
III – Les obstacles et les résistances
L’obéissance du Christ à la Parole du Père (Mt 26, 36-46. Mc 8, 32-33)
Les divers obstacles (Hb 4, 11-13. Ap 3, 14-22. Mt 13, 1-23)
Quelles sont les « passions » (idoles), les « raisonnements » (endurcissement du cœur), les « peurs » (incrédulité) qui empêchent d’accueillir la Parole ?
IV – Les fruits de l’Etude de l’Évangile
L’union au Christ par l’Esprit Saint (2 Th 2, 12-13. Jn 6,63. Es 55, 10-12. Eph 3)
L’évangile comme règle de vie. Il accomplit ce qu’il dit. (VD 225-229. Ps 39,4. 1 Jn 1, 1-4. 2 Tim 3,15-17)
« Faire le catéchisme aux plus pauvres » (Ph 2,15-16)
Quels sont les fruits que l’Esprit Saint m’accorde dans l’étude de l’Évangile ?
Comment sont-ils sources de transformation intérieure et de créativité missionnaire ?
Qu’en est-il dans l’équipe Prado et chez les pauvres auprès de qui nous sommes envoyés ?
En conclusion
Une lettre du Christ… (2 Co 3, 2-4. Ac 10, 33)
Écrire une prière à l’Esprit Saint ?… avec une ou deux découvertes du mystère de Dieu et de l’engagement du véritable disciple du Christ, avec tel ou tel point précis de conversion !
Robert Daviaud – Janvier 2010
Fraternité à recevoir et à construire
1 – Un don du Dieu trinité
. Le Mystère pascal, source de la fraternité. (Jn 20, 19-23) (Lc 23, 39-43) (1 Co 8,
10) (Hb 2,10-13)
. Un Esprit d’adoption filiale. Même Père ! (Rm 8, 12-17) (Rm 8,29) (Ep 1, 3-6)
. Le pauvre, un de mes frères. (Mt 25, 39-46)
2 – Difficile fraternité !
. Nier le frère. (Gn 4, 1-16) (Gn 37, 12-36) (Lc 22, 14-23) (Mt 26, 47-50)
. Division entre disciples, à l’intérieur des communautés. (Mt 20, 20-28) (3 Jn) (Gal 2, 11-14) (1 Co, 10-17) (Ac 15, 36-41)
3 – Les chemins de la fraternité
. Avoir entre nous les sentiments du Christ. (Ph 2, 1-11) (Mt 18, 21-22)
. Etre de la famille du Christ ! (Mt 12, 46-50)
. Compter sur la prière de Jésus ! (Jn 17, 9-23)
. Se supporter les uns les autres. (Col. 3, 5-17) (Gal 6, 1-10) (Lc 22, 31-34)
4 – A la lumière du Prado
. Textes du Père Chevrier (Ecrits Spirituels, p. 102-109)
. Constitutions du Prado : la vie fraternelle (66-72)
. Texte du Conseil Général 1998 :
« A la suite de Jésus Christ, la vie fraternelle »
Robert Daviaud – (2009)
Le Ministère de la Nouvelle Alliance
Cette étude de l’Évangile a pour base la contemplation du texte (2 Co 3,1-18). Ce passage de l’Écriture développe le ministère de la Nouvelle Alliance que Paul appelle le ministère de l’Esprit, à la différence du ministère de l’Ancienne Alliance, celui de la Loi. Ceux qui ont été ordonnés ont reçu le ministère de l’Esprit et ils sont porteurs de ce ministère : un ministère de vérité, de liberté, qui reflète et rend présent le Christ Ressuscité. L’Esprit Saint est celui qui nous rend capables d’exercer et de développer ce ministère.
Le ministère de l’Esprit est le ministère de la Nouvelle Alliance. Il se situe dans un cadre complètement nouveau. Il dépasse de beaucoup les médiations extérieures : les victimes, les sacrifices, la loi. Il recentre tout sur la relation à Dieu. Cette relation est possible par l’action de l’Esprit envoyé par le Père pour faire toutes choses nouvelles.
I – Le ministère de l’Esprit
Lumière et proximité du Père
Le ministère de l’Esprit est le ministère de la Nouvelle Alliance. Par l’Esprit, nous avons accès auprès de Dieu. En effet, à travers la mort et la résurrection du Christ, il enlève le voile qui cachait la présence de Dieu et empêchait la communication avec lui : « Jusqu’à ce jour, en effet, lorsqu’on lit l’Ancien Testament, le voile demeure. Il n’est point levé car c’est le Christ qui le fait disparaître. Oui, jusqu’à ce jour, lors de la lecture de Moïse, un voile est posé sur leur cœur » (2 Co 3,14-15). La résurrection de Jésus Christ lève le voile qui cache la lumière et découvre aux hommes la proximité de Dieu. Par le ministère de l’Esprit, nous avons accès à Dieu tout comme Jésus qui est la révélation et la transparence du Père : « Alors Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit. Et voilà que le rideau du Temple se déchira en deux, du haut en bas. La terre trembla. Les rochers se fendirent. Les tombeaux s’ouvrirent et de nombreux corps de saints trépassés ressuscitèrent. Ils sortirent des tombeaux après sa résurrection, entrèrent dans la Ville Sainte et se firent voir à bien des gens » (Mt 27,50-53). Tel est le dynamisme, la nouveauté qui enfouit le ministère de l’Esprit dans la vie de l’Eglise, dans l’exercice même de ce ministère auquel nous participons et qui nous a été confié. L’Esprit renouvelle tout. Il rend toutes choses nouvelles. C’est lui qu’il nous faut viser à travers toutes les médiations nécessaires, mais relatives. C’est l’Esprit qui nous met en relation, en communication avec Dieu d’une manière proche et transparente. Les craintes se dissipent. Dieu se fait proche, familier, aimable.
Refléter la gloire du Christ
Jésus Christ, ayant levé, par sa mort et sa résurrection, le voile qui cachait le visage et la présence de Dieu, nous pouvons, à notre tour, à visage découvert, refléter la gloire même du Christ. C’est cela que l’Esprit Saint réalise en nous : ce que nous sommes aussi nous-mêmes appelés à refléter en devenant participant de son ministère : « Nous tous, qui, le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, toujours plus glorieux comme il convient à l’action du Seigneur qui est Esprit » (2 Co 3,18). L’Esprit Saint nous transforme à l’image du Christ. C’est lui qui fait habiter le Christ en nous et qui fait que notre être devient semblable à l’être du Christ et réfère tout à lui : « L’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir parce qu’il ne le voit, ni ne le connaît. Vous, vous le connaissez parce qu’il demeure avec vous et qu’il est en vous » (Jn 14,17). Par ce souffle et par ce ministère de l’Esprit Saint, nous connaissons Jésus Christ et nous sommes appelés à le faire connaître.
Faire connaître Jésus Christ
C’est l’Esprit qui fait connaître Jésus Christ, qui porte témoignage de lui, qui est le témoin principal, que nous devons croire : « Quand viendra le Paraclet que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui provient du Père, il me rendra témoignage. Et vous aussi, vous témoignerez parce que vous êtes avec moi depuis le commencement » (Jn 15,26-27). C’est lui, le tout premier qui nous révèle qui est Jésus, la vérité entière : « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira vers la vérité toute entière car il ne parlera pas de lui-même, mais tout ce qu’il entendra, il le dira et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, car c’est de mon bien qu’il prendra pour vous en faire part » (Jn 16,13-14). L’Esprit Saint est avant tout l’Esprit de la vérité. Il nous conduit vers la vérité. Nous sommes porteurs d’un ministère de vérité. La vérité, c’est le Christ, c’est le Fils qui vit pour faire toujours la volonté du Père et qui, en lui, trouve sa liberté et sa grandeur. Suivre le Christ, c’est connaître la vérité, c’est vivre dans la vérité comme le chemin qui conduit l’homme à son plein épanouissement et comble ses désirs les plus profonds : « Si vous demeurez dans ma parole, vous serez véritablement mes disciples, vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres » (Jn 8,31-32 ; 14,6 ; 18,37-38).
L’Esprit Saint est aussi celui qui nous associe et nous fait entrer dans sa mission de faire connaître Jésus Christ. C’est une mission sublime. C’est une grâce qui nous fait déborder de gratitude : « Grâces soient à Dieu qui, dans le Christ, nous emmène dans son triomphe et qui, par nous, répand en tous lieux le parfum de sa connaissance » (2 Co 2,14). La connaissance de Jésus Christ est l’haleine, la bonne odeur de la vie qui vivifie. Cette connaissance de Jésus Christ est l’un des biens messianiques que produit l’Esprit du Seigneur venant sur le tronc de Jessé, sur le Messie : « On ne fait plus de mal ni de ravages sur toute ma sainte montagne, car le pays est rempli de la connaissance de Yahvé comme les eaux comblent la mer » (Is 11,1-9).
L’Esprit connaît tout, sonde tout, pénètre tout jusqu’aux profondeurs mêmes de Dieu. C’est pour cela que la connaissance de Jésus Christ est si importante, car elle est l’œuvre de l’Esprit Saint : « Nul ne connaît les secrets de Dieu, sinon l’Esprit de Dieu. Or, nous n’avons pas reçu, nous, l’esprit du monde mais l’Esprit qui vient de Dieu afin de connaître les dons que Dieu nous a faits. Et nous en parlons, non pas en langage enseigné par l’humaine sagesse mais par l’Esprit » (1 Co 2,10-16).
Le Père Chevrier a reçu une lumière qui lui a fait découvrir que le point de départ de tout, c’est de connaître Jésus Christ et d’avoir l’Esprit de Dieu : « Connaître Jésus Christ c’est tout » (VD 113 ; 103, note 1). « Avoir l’Esprit de Dieu c’est tout » (VD 511). Comment accueillons-nous l’Esprit Saint et nous laissons-nous conduire par lui ? Sommes-nous vraiment des hommes pleins de foi et d’Esprit Saint comme il était demandé à ceux qu’on choisissait pour exercer un ministère dans les premières communautés chrétiennes ? Vivons-nous comme un combat la tension entre l’esprit du monde qui s’insinue dans toute notre vie et le souffle et la force de l’Esprit Saint qui habite en nous et qui nous ont bien été donnés avec le ministère que nous avons reçu ? Car c’est l’Esprit de la vérité qui comble réellement nos aspirations à devenir des personnes vraiment libres.
Ministère de liberté
Le ministère de l’Esprit est un ministère de liberté. Son action ne part pas de la soumission à la force de la loi, mais de l’amour, du don gratuit. L’Esprit Saint nous rend réellement libres. Voici le grand défi que nous devons relever face au monde d’aujourd’hui : témoigner que la foi chrétienne est source de joie et de liberté. La nouveauté de la foi nous situe dans ce climat : « En possession d’un pareil espoir, nous nous comportons avec beaucoup d’assurance et non comme Moïse qui se mettait un voile sur le visage pour empêcher les enfants d’Israël de voir la fin de ce qui était passager » (2 Co 3,12-13). La loi a été un instrument pédagogique valable mais qui occultait l’accès à la pleine rencontre avec Dieu dans la joie et la liberté. L’Esprit arrache le voile et nous permet de vivre la liberté de l’amour. En nous, la conversion s’impose comme le saut pour passer de l’Ancien Testament au Nouveau Testament : « C’est quand on se convertit au Seigneur, que le voile tombe car le Seigneur c’est l’Esprit et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 2,16- 17).
Comment vivons-nous et transmettons-nous cette expérience que le ministère de l’Esprit qui nous a été confié, nous rend vraiment libres et réalise la nouvelle création, la nouvelle humanité ? Il ne s’agit pas d’une liberté capricieuse qui règlerait notre vie au gré de nos propres désirs et des désirs de la vieille humanité. Ce serait tomber dans l’esclavage, tentation permanente (Gal 3,1-5), alors que nous avons été libérés par le Christ. « C’est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés. Donc tenez bon et ne vous remettez pas sous le joug de l’esclavage » (Gal 5,1). Le chemin de la véritable liberté, qui est le chemin de la vérité n’est pas facile. Il est jalonné de faux prophètes, charmeurs, qui séduisent sous l’apparence de la liberté mais, finalement, conduisent à l’esclavage car ils trompent et sèment des embûches.
La véritable liberté est inséparable de la vérité qui est le Christ lui-même, la parole vivante du Père : « Si vous demeurez dans ma parole vous serez vraiment mes disciples. Vous connaîtrez alors la vérité et la vérité vous rendra libres » (Jn 8,31- 32). Nous sommes conscients que vivre dans la vérité, parvenir à être libres est un chemin contesté, plein de difficultés, de contradictions. L’Esprit de la vérité est en conflit avec l’esprit du monde qui se laisse habituellement séduire par le mensonge.
Dans la Croix et la contradiction
Celui qui se laisse conduire par l’Esprit Saint entre en conflit et en tension avec le monde, avec ce que nous pouvons appeler « la chair » (Gal 5,16-18). Jésus conduit par l’Esprit, annonce la Bonne Nouvelle dans la synagogue de Nazareth. Ce que l’Esprit le pousse à annoncer déclenche un conflit avec ses compatriotes. La nouveauté de l’Esprit s’oppose à la loi et à l’esprit du monde : « Il se leva. Ils le poussèrent hors de la ville et le conduisirent jusqu’à un escarpement de la colline sur laquelle leur ville était bâtie pour l’en précipiter » (Lc 4,29).
L’Esprit scrute tout, éclaire tout jusqu’au plus secret et au plus caché. Il dévoile les intentions cachées. C’est pour cela que la vieille humanité ne s’ouvre pas facilement à l’Esprit de la vérité. Au contraire, souvent elle le chasse et tente de l’éteindre au-dedans et autour d’elle : « L’homme, par nature, n’accepte pas ce qui vient de l’Esprit de dieu. C’est folie pour lui et il ne peut le connaître, car c’est par l’Esprit qu’on en juge » (1 Co 2,14). Mais, à nous, il a été donné de voir les choses avec l’intelligence et le regard de l’Esprit, avec la pensée et la mentalité de Dieu qui contraste tant avec l’esprit du monde : « L’homme spirituel juge de tout et ne relève lui-même du jugement de personne. Qui donc a connu la pensée du Seigneur pour lui faire la leçon ? Et nous l’avons, nous, la pensée du Christ » (1 Co 2,15-16).
Ces envoyés de Jésus rencontrent comme lui des résistances à l’action de l’Esprit Saint. Celle-ci s’accomplit dans l’épreuve, le combat, la confrontation avec l’esprit du monde, avec Satan comme le rappelle le récit des tentations. L’obéissance de la foi s’impose. De même, la fidélité du Fils à la Parole du Père, car le Fils est possédé par l’Esprit Saint qui le conduit dans la réalisation de la mission dont l’a chargé (Lc 4,1-13). Dès le commencement, la mission de Jésus s’est frayé un chemin au milieu de la confrontation avec le monde parmi ceux résistent à croire à Celui que le Père a envoyé : « Qui croit en lui n’est pas jugé. Qui ne croit pas est déjà jugé parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Le jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises » (Jn 3,18-19). L’Esprit Saint est celui qui nous conduit vers la vérité toute entière, qui éclaire toute l’obscurité, qui met tout à la lumière. Les résistances surgissent en nous parce que nous n’acceptons pas cette vérité, parce que nous nous protégeons dans notre propre forteresse. C’est pour cela que le ministère de l’Esprit, qui constitue le prophète, se heurtera à la tension, la croix, le conflit : « Quand il viendra, l’Esprit de vérité, il confondra le monde en matière de péché, en matière de justice et en matière de jugement : le péché parce qu’ils ne croient pas en moi ; de justice parce que je vais au Père et que vous ne me verrez plus ; de jugement parce que le prince de ce monde est condamné » (Jn 16,8- 11).
Voilà le grand travail de l’Esprit Saint. Nous sommes devenus aussi porteurs de son ministère, pas par nous-mêmes, bien sûr, pas de notre propre initiative, mais par choix et appel de Dieu. Ce ministère nous dépasse et nous n’en sommes pas capables. C’est lui qui, par sa présence continue et par l’ordination nous rend capables de réaliser ce sublime service.
II – Dieu nous rend aptes au ministère de la Nouvelle Alliance
Ce ministère de l’Esprit est don. Personne ne peut se le donner à lui-même au titre de ses qualités, vertus, mérites. Celui qui nous fait et constitue ministres de la Nouvelle Alliance, c’est l’Esprit. Il ne s’agit donc pas d’une fonction dont quelqu’un pourrait s’acquitter de sa propre initiative ou décision, pas plus qu’au titre de son appartenance à une tribu, à une famille sacerdotale : « Ce n’est pas que de nous-mêmes nous ayons qualité pour revendiquer quoi que ce soit comme venant de nous, non, c’est Dieu qui nous a donné qualité, qui nous a qualifiés pour être ministres d’une Alliance Nouvelle, non de la lettre, mais de l’Esprit, car la lettre tue, l’Esprit vivifie » (2 Co 3,5-6).
Nous qui avons reçu le ministère de la Nouvelle Alliance, nous appartenons à l’Esprit de Dieu. Il est la source, l’âme de notre ministère. Il rend possible une relation personnelle et vivante avec la Trinité. Il nous fait dépasser la tendance à ritualiser le ministère et les manifestations religieuses comme cela arrivait dans l’Ancien Testament.
L’Esprit qualifie Jésus et les apôtres pour la mission
Au début de son ministère, Jésus est rempli de l’Esprit Saint et, par là, réalise la mission confiée par le Père d’annoncer et de rendre présent son règne qui est Bonne Nouvelle pour tous, particulièrement pour les pauvres.
Les commencements du ministère de Jésus se présentent à nous comme une éclosion de l’Esprit en sa personne et en son action apostolique. C’est ce que montrent bien le baptême dans le Jourdain (Lc 3,21-22), les tentations dans le désert (Lc 4,1) et le premier discours à la synagogue de Nazareth (Lc 4,14-19). Tout l’abondant ministère exorciste de Jésus qu’il confie ensuite aux disciples, reflète cette réalité : Jésus est possédé par l’Esprit de Dieu et vient à bout de l’esprit du mal, des mauvais esprits, montrant ainsi que le Règne de dieu est déjà à l’œuvre : « Si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est qu’alors le Royaume de Dieu est arrivé pour vous » (Lc 11,20).
Les apôtres, à Pentecôte, reçoivent le don de l’Esprit Saint (Ac 2,1-13). Les apôtres confient le ministère à ceux qui sont choisis, au moyen de l’imposition des mains par laquelle ils reçoivent le don de l’Esprit Saint comme il arrive à Saul : « Alors Ananias partit, entra dans la maison, imposa les mains à Saul et lui dit : « Saul, mon frère, celui qui m’envoie, c’est le Seigneur, ce Jésus qui t’est apparu sur le chemin par où tu venais. Et c’est afin que tu recouvres la vue et sois rempli de l’Esprit Saint » (Ac 9,17 ; 6,6 ; 13,2-3 ; 1 Tim 4,14 ; 2 Tim 1,6).
Porteurs du ministère de l’Esprit
L’Esprit Saint que nous avons reçu nous permet d’entrer en communion avec Jésus Christ et avec le Père et de pouvoir tout voir avec les yeux et la mentalité de Dieu. C’est lui qui nous transforme réellement en Christ et nous rend aptes à le rendre présent aujourd’hui dans le monde, bien que pas facilement reçu, ni perçu. « L’homme n’accueille pas naturellement ce qui est de l’Esprit de dieu : c’est folie pour lui et il ne faut le connaître car c’est par l’Esprit qu’on en juge. L’homme spirituel, au contraire, juge de tout et ne relève lui-même du jugement de personne. Qui donc a connu la pensée du Seigneur pour lui faire la leçon. Et nous l’avons, nous, la pensée du Christ » (1 Co 2,14-16).
Possédés par l’Esprit Saint, nous avons l’esprit du Christ et nous sommes en pleine communion avec lui. C’est l’Esprit qui nous rend capables de réaliser le ministère. C’est lui qui réalise aussi toute une action de recréation et de transformation du cœur de l’homme et du monde. Voilà bien la grande nouveauté de cette Alliance que Dieu a scellée avec l’humanité dans le Christ, par l’Esprit : « Notre lettre, c’est vous. Une lettre écrite en nos cœurs, connue et lue par tous les hommes. Oui, vous êtes manifestement une lettre du Christ rédigée par nos soins, écrite non avec de l’encre, mais avec l’Esprit de dieu vivant non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs » (2 Co 3,2-3 ; Jr 31,31-34). Comment accueillons-nous et reconvertissons-nous l’action de l’Esprit en nous, dans les pauvres, dans le milieu et le monde où nous vivons. Nous considérons-nous comme une œuvre écrite par l’Esprit Saint qui reflète son action créatrice en ce monde et en ce moment ?
Nous sommes ministres d’une Parole qui n’est pas la nôtre. Cette Parole, c’est l’Esprit qui l’a écrite dans le cœur des personnes et non dans la pierre, ni même dans un livre. Nous sommes appelés à lire, à apprendre à lire ce que l’Esprit a écrit dans les cœurs. Cette Parole, que l’Esprit actualise, rend présente, c’est le Verbe, Jésus Christ ressuscité. Cette Parole excellente dépasse celle de l’Ancien Testament : en effet, elle est le Fils lui-même, c’est-à-dire tout ce que le Père a voulu communiquer. Ainsi la loi est dépassée et nous entrons en relation dans une rencontre personnelle vécue dans la foi et dans l’amour. Voilà la grande nouveauté : « Si le ministère de la mort, gravé en lettres sur des pierres, a été entouré d’une telle gloire que les enfants d’Israël ne pouvaient regarder fixement le visage de Moïse en raison de la gloire, pourtant passagère de ce visage, comment le ministère de l’Esprit n’en connaîtrait-il pas davantage ? » (2 Co 3,7-9).
La parole que nous annonçons ne se fonde pas sur l’éloquence, ni sur la capacité de réflexion, ni sur la rhétorique d’un discours bien élaboré, bien construit, mais sur l’action de l’Esprit, sur ce fondement solide qui est Dieu lui-même en qui nous mettons notre confiance et de qui nous vient le don de la foi : « Ma parole et mon message n’avaient rien des discours persuasifs de la sagesse. C’était une démonstration d’Esprit et de puissance afin que notre foi reposât, non point sur la sagesse des hommes mais sur la puissance de Dieu » (1 Co 2,4-15).
Mais une mission aussi sublime est vraiment sans commune mesure avec nos pauvretés et notre fragilité. La qualification pour le ministère nous est donnée. C’est le don de Dieu qui nous renouvelle et nous transforme par le dynamisme de l’Esprit : « Qui donc est à la hauteur d’une telle tâche. Nous ne sommes pas, en effet, comme la plupart qui trafiquent de la Parole de Dieu. Non, c’est en hommes sincères, c’est en envoyés de Dieu que, devant dieu, nous parlons dans le Christ » (2 Co 2,16- 17). Le véritable acteur, c’est l’Esprit. Nous, nous ne sommes que serviteurs, collaborateurs associés à son action créatrice.
III – Seconder l’action de l’Esprit
Quant à nous, il nous a été confié le ministère de l’Esprit. Le Seigneur a voulu poursuivre son œuvre par l’action et habitation de l’Esprit Saint en nous. Pour cette raison, notre ministère porte en lui le dynamisme de l’Esprit et l’aptitude à en produire les fruits, bien conscients que nous sommes, que ce n’est pas nous qui les produisons mais bien l’Esprit de Dieu lui-même : en ressuscitant Jésus d’entre les morts, l’Esprit fait toutes choses nouvelles : « Aussi ne connaissons-nous plus désormais personne selon la chair. Même si nous avons connu le Christ, nous ne le connaissons plus ainsi à présent. Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là » (2 Co 5,17 ; Is 43,18-19).
L’Esprit à travers nous, et en nous, poursuit le ministère commencé en Jésus, son oint, dont l’irruption en ce monde instaure la nouveauté du Règne de Dieu. Poussé par l’Esprit dont il était rempli, Jésus continue son ministère en Galilée, annonçant la Bonne Nouvelle, provoquant l’admiration et aussi la perplexité et l’hostilité devant la proposition novatrice et déconcertante de son annonce qui mettait en crise la religiosité de la loi et du Temple, pour révéler un Dieu présent et agissant tout spécialement en faveur des pauvres et des exclus (Lc 4,14-30 ; Jn 3,5-8 ; Jn 4,21-24).
La nouvelle justice
Le Messie est un homme possédé par l’Esprit de Dieu. C’est celui qui restaure la nouvelle justice, la justice du Royaume, celle qui veille aux droits des pauvres, et des marginaux, celle qui exalte les faibles et les sans défense : « L’Esprit de Yahvé reposera sur lui… il jugera avec justice et rectitude les faibles et les pauvres de la terre » (Is 11,2-5 ; Ps 72,3-4 ; 12-14). La nouvelle justice c’est avant tout la défense des humbles, des marginaux, et des oubliés, de ceux qui n’ont pas de possibilités. Elle ne se limite pas aux paramètres du système juridique et de la mentalité du moment. Elle s’ouvre sur de nouveaux horizons, ceux que Dieu lui-même a imprimé dans la condition humaine et c’est sa propre image (Mt 25,31-46). L’Esprit qui habite en nous, nous pousse aussi à promouvoir cette justice et à travailler à ce qu’elle soit effective dans les relations humaines, comme le souligne Jésus dans la parabole des ouvriers de la vigne : « appelle les ouvriers et remet à chacun son salaire en remontant des derniers aux premiers » (Mt 20,1-16).
La justice du Royaume a l’amour comme vêtement et la miséricorde comme entrailles. C’est ainsi que Jésus réagit devant les jugements rapides des Juifs de certains cercles et aussi devant certains comportements personnels. Les pharisiens se scandalisent de voir Jésus accueillir des publicains et des pécheurs et manger avec eux. Ceci est défendu par la loi. L’Esprit voit plus loin que la loi et atteint au plus profond de l’homme pour le sauver : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? »… Allez et apprenez ce que signifie « C’est la miséricorde que je veux et pas le sacrifice ». « Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs » (Mt 9,11-13). Même réaction devant ceux qui prétendaient juger la femme adultère. Jésus leur montre à quel point est aveugle et injuste leur manière d’exercer la justice et il leur propose une justice nouvelle, celle de la miséricorde, du pardon et du repentir : « Femme, personne ne t’a condamnée ? … moi non plus je ne te condamne pas. Va. Et désormais ne pêche plus » (Jn 8,1-11 ; Mt 9,13 ; 12,7). La nouvelle justice, celle qui est inspirée par l’Esprit, c’est celle des Béatitudes. Elle dépasse celle des scribes et des pharisiens : « Je vous le dis : si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez certainement pas dans le Royaume des Cieux » (Mt 5,20).
Voici quel est le ministère de l’Esprit que nous avons reçu : c’est celui qui réalise cette nouvelle justice qui doit prendre la place dans la société à travers la vie et le témoignage des communautés chrétiennes : amour et défense des pauvres et des petits, miséricorde : c’est par ce chemin-là que nous conduit l’Esprit de Dieu. C’est bien cela en effet, le ministère que nous avons reçu, auquel nous avons consacré notre vie pour collaborer à mettre en lumière la fraternité et la réconciliation.
La réconciliation
C’est un autre fruit de l’Esprit, du Règne messianique. L’Esprit brise les frontières. Il est capable de créer l’harmonie et la réconciliation entre ceux qui semblent acharnés à s’opposer et à s’affronter. La réconciliation est pour lui une nouvelle création, celle qui illumine le nouvel Adam, le Christ ressuscité et qui nous fait tous devenir fils de Dieu et frères les uns des autres : « La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu… Toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement. Et non pas elle seule : nous-mêmes qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons nous aussi intérieurement dans l’attente de la rédemption de notre corps » (Rm 8,19-23).
L’Esprit qui anime toute l’œuvre créatrice illumine la nouvelle humanité en abattant le mur de séparation et en réunissant en un seul peuple la diversité et la multitude des peuples qui comprennent le langage de l’Esprit : « Car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux n’a fait qu’un peuple en détruisant la barrière qui les séparait… pour créer en Sa personne, des deux un seul Homme Nouveau. Et en faisant la paix, réconcilier l’un et l’autre avec Dieu en un seul corps… Par lui, les uns et les autres, avons libre accès auprès du Père dans un même Esprit » (Eph 2,14-18). L’Esprit qui réunit le Père et le Fils est celui qui rend possible l’unité du genre humain dans la riche diversité. Un reflet nous en est, en effet, donné à Pentecôte où des gens de tout le monde alors connu, entendent, chacun dans sa propre langue, le même message d’unité (Ac 2,1-13).
L’Esprit nous introduit sur les chemins de la réconciliation, du pardon, de l’harmonie, de l’unité entre les personnes et les peuples, dépassant les affrontements, les haines, la soif de pouvoir et d’oppression, en un mot la force du péché car c’est lui qui porte atteinte à la création et la détruit. Le prophète Isaïe annonce et entrevoir les temps messianiques en lesquels l’Esprit pacifiera et réconciliera la création : « Le loup habite avec l’agneau, la panthère couche près du chameau… le lion mange de la paille comme le bœuf… On ne fait plus de mal, ni de ravages sur toute ma sainte montagne car le pays est rempli de la connaissance de Yahvé comme les eaux comblent la mer » (Is 11,1-9).
C’est la grande mission que Dieu nous a concédée : être ministre de la réconciliation, seconder l’action créatrice, unificatrice et réconciliatrice de l’Esprit en ce monde, car en certains domaines ce monde apparaît divisé, affronté, soumis à l’idolâtrie du pouvoir, du plaisir et de l’argent. L’Esprit nous libère de ce « Moi » divinité, pour nous ouvrir à la relation avec le Père et avec les frères : « Le tout vient de Dieu qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation car c’était Dieu qui, dans le Christ, se réconciliait le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes et mettant sur nos lèvres la parole de réconciliation » (2 Co 5,18-19). L’œuvre de réconciliation nous fait pénétrer dans les entrailles de l’Amour et de la miséricorde de Dieu. Au-delà du régime de la loi, la réconciliation nous introduit dans le règne de la grâce, de la jubilation et de l’amnistie totale.
Le règne de la grâce
L’Esprit nous inonde de joie, d’allégresse, du fait qu’il annule les dettes, fait oublier les offenses et les péchés liés à notre fragilité, pour nous laisser séduire vraiment par la force de la gratuité de l’amour, de son dynamisme créateur qui renouvelle tout. Jésus, rempli de l’Esprit, proclame que la mission qu’il entreprend dépasse tous les calculs et toutes les attentes. Le Règne de Dieu c’est l’an de grâce, l’année jubilaire perpétuelle. Voici le projet que Dieu fait pour l’humanité : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le retour à la vue, rendre la liberté aux opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur » (Lc 4,18-19).
Ces paroles découvrent et présentent un visage de Dieu qui suscite l’admiration, la surprise et sentent la joie et la libération mais aussi la déconvenue et l’opposition chez ceux qui vivent une religiosité ritualiste, formelle, soumise à des règles très rigides qui empêchent de s’ouvrir à la nouveauté de l’Esprit : « Tous lui rendaient témoignage et étaient en admiration devant les paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche » (Lc 4,22).
Ce ministère de l’Esprit que nous avons reçu est un ministère de grâce, de gratuité. Il s’agit d’accueillir le don de Dieu pour qu’il nous transforme, qu’il nous renouvelle, en un mot, il s’agit de renaître : « Celui qui ne naît pas de l’eau et de l’Esprit ne peut entrer dans le Royaume de Dieu » (Jn 3,5). Naître, c’est douloureux bien sûr, mais c’est une source de joie, de jouissance » (Jn 16,21-22). C’est bien cela la grande œuvre de l’Esprit : il est la source. C’est pour cela que tout est grâce : « De sa plénitude nous avons tous reçu grâce pour grâce » (Jn 1,16).
Le chrétien et plus spécialement le prêtre, doit être imprégné de l’Esprit Saint, possédé par lui car il a reçu un ministère spirituel. Le Père Chevrier a découvert et expérimenté ce qu’est l’Esprit dans la vie du chrétien et du prêtre. « Avoir l’Esprit de Dieu, c’est tout. C’est tout pour soi-même. C’est tout pour une communauté » (VD 231). On pourrait ajouter : « C’est tout pour un presbyterium », pour une église locale. C’est encore le Père Chevrier qui nous rappelle que l’Esprit de Dieu est le plus grand trésor, le plus beau cadeau que Dieu nous fait. Ce qui suppose d’être en attitude pour le recevoir et aussi pour le demander pour nous et pour les autres : « L’Esprit de Dieu ? le donner à quelqu’un, c’est le plus grand trésor dont Dieu puisse lui faire cadeau. Et le plus grand trésor de Dieu sur la terre, c’est de donner son Esprit à certains hommes pour que les autres puissent le voir, le consulter, le suivre et tirer profit de lui » (VD 229). Une fois de plus, nous sommes appelés à actualiser et à faire passer dans la vie ces paroles du Père Chevrier, tant de fois lues et méditées, sur ce que nous devons faire pour acquérir l’Esprit de dieu : « En étudiant le Saint Evangile et en priant beaucoup » (VD 227).
Xosé Xulio RODRIGUEZ FERNANDEZ
Jésus conduit par l’Esprit Saint
Vous trouverez dans ce texte une longue étude de l’Evangile qui nous encourage à enrichir notre connaissance du mystère de Dieu. A partir de Saint Jean, nous est proposée une méditation sur la manière dont Jésus Christ est conduit par l’Esprit Saint. Jésus est l’Envoyé du Père. Il travaille à son œuvre pour le salut des gens. L’Esprit est au cœur de la communion du Fils et du Père et de leur agir pour donner la vie aux hommes. Il faut d’abord préciser le caractère de la réflexion qui suit. Elle est le fruit d’une étude d’Evangile que j’ai faite pour me préparer à cette session. Je vivais une période de changement de ministère. Submergé par beaucoup de choses, je voulais étudier où Jésus trouvait la force de rendre efficace son action, son ministère. Pour cette étude, j’ai choisi l’Evangile de Jean. Ceci explique le caractère et la limite de cet exposé. Il faut savoir que dans l’Evangile de Jean, on ne trouve pas beaucoup d’allusions à l’Esprit. Jean parle de l’Esprit qui est promis et donné par le Ressuscité, mais il n’y a qu’une allusion explicite à l’Esprit qui guide la vie et l’action de Jésus : c’est le témoignage de Jean Baptiste qui dit : « J’ai vu l’Esprit tel une colombe descendre du ciel et demeurer sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’avait dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint. Oui, j’ai vu et j’atteste que c’est lui, l’Elu de Dieu » (Jn 1,32-34). Il s’agit de la profession de foi du Baptiste. L’Esprit « descend » sur Jésus et « reste » sur lui, fait de lui sa demeure et le « Fils de Dieu ». L’Esprit qui descend sur Jésus n’est pas appelé « saint » parce que, à la différence des hommes, Jésus n’a pas besoin d’être sanctifié. Mais il est la force qui guide et façonne sa mission, celle de donner le Saint Esprit aux hommes, l’Esprit sanctificateur. L’Esprit, c’est le secret le plus profond de sa vie et de sa mission. Jean nous aide à comprendre le ministère de Jésus avec d’autres mots, d’autres catégories. Il parle de Jésus comme l’envoyé du Père, auquel le Père donne ses œuvres, en lui donnant aussi la force pour les accomplir.
J’ai choisi alors de faire un résumé de mon étude d’Evangile sur ces points :
- Jésus, l’envoyé du Père : l’économie du don
- Le Père donne à Jésus ses œuvres
- Le Père donne à Jésus d’accomplir les œuvres qu’il lui donne. Tout tourne autour du verbe « donner » et du mot « œuvre », qui seront aussi le centre de notre réflexion.
- JESUS L’ENVOYE DU PERE : L’ECONOMIE DU DON
- Jésus l’envoyé du Père : l’identité de Jésus ; Jésus n’est pas venu dans le monde sur son initiative : c’est le Père qui l’a envoyé. « Oui, vous me connaissez et vous savez d’où je suis. Cependant, je ne suis pas venu de moimême, mais il m’a envoyé vraiment celui qui m’a envoyé. Vous, vous ne le connaissez pas. Moi, je le connais, parce que je viens de lui et que c’est lui qui m’a envoyé » (Jn 7,28). « C’est de Dieu que je suis issu et que je viens ; je ne suis pas venu de moi-même, c’est lui qui m’a envoyé » (8,42). Dans l’Evangile de Jean, le verbe « envoyer » est très important. Dans les deux formes grecques (πεμψω et αποστελλω) il y recourt 39 fois et désigne l’identité profonde de Jésus : il est totalement tourné vers le Père, celui qui l’a envoyé.
- Jésus, l’apprenti du Père Cette identité profonde de Jésus fait de lui un homme entièrement tourné vers le Père, qui le regarde pour apprendre de lui. Il y a un passage très illuminant à cet égard : « En vérité, en vérité je vous le dis, le Fils ne peut faire de lui-même rien qu’il ne voie faire au Père : ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. Car le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait » (5,19). Le Père est présenté comme quelqu’un qui est au travail (« mon Père travaille toujours et moi aussi je travaille »), et Jésus le regarde, le contemple pendant qu’il travaille. Et le Père ne cache pas ce qu’il fait avec jalousie, mais il le montre au Fils qui, en regardant le Père qui travaille, apprend à son tour à agir. Cette pensée est soulignée une autre fois, quand Jésus dit : « Celui qui m’a envoyé est véridique et ce que j’ai appris de lui je le dis dans le monde… Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurez que Je suis et que je ne fais rien de moi-même ; ce que le Père m’a enseigné, je le dis …» (8,25- 30).
- Le Père envoie le Fils pour le donner aux hommes Si le verbe « envoyer » nous dit l’identité la plus profonde de Jésus, il ne nous dit rien sur ce qui est à l’origine de cette mission, sur les intentions de celui qui l’envoie. Quand Jean veut nous éclairer sur le sens de cette mission, il emploie le verbe « donner » (διδομι). Le Père donne Jésus aux hommes : la mission du Fils, c’est la manifestation de l’amour du Père pour les hommes. « Oui, Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (3,16-17). Le Père donne Jésus afin qu’il soit nourriture : «…C’est mon Père qui vous le donne, le pain du ciel, le vrai » (6,32). La foi qui sauve est don du Père : « Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (6,44). Et le Père couronnera l’œuvre de Jésus en envoyant le Paraclet (14,16) et donnera aussi aux disciples ce qu’ils demanderont dans la prière faite au nom de Jésus (15,16 ; 16,23). Le Père envoie son Fils et le donne aux hommes pour les remplir de ses dons.
- Le Père envoie son Fils pour le remplir de ses dons Si le don c’est l’attitude du Père à l’égard des hommes, c’est aussi l’attitude du Père à l’égard de Jésus. Le Père a tout mis dans ses mains (13,3). Il lui a donné ses paroles : «…les paroles que tu m’as données, je les leur ai données…» (17,8 ; cf. 12,49 ; 3,34 ; 7,16 ; 8,26 ; 12,50 ; 14,24 ; 17,14) ; les œuvres à accomplir : «…les œuvres que le Père m’a donné d’accomplir…» (5,36 ; cf. 17,4 ; 4,34 ; 9,3 ; 10,32 ; 10,37) ; lui donne tout ce qu’il lui demande (11,22 ; cf. 11,42). « Il a donné au Fils de disposer de la vie » (5,26) ; et aussi de la donner (5,21 ; 17,2- 3). Il lui donne les disciples (17,6.9 ; cf. 10,29 ; 6,37-39 ; 17,2) ; « le pouvoir sur toute chair » (17,2) ; le jugement (5,27) ; la gloire (17,22-24) ; son nom (17,11-12). Et cela parce que « le Père aime son Fils ; il a tout remis en sa main » (3,35). Le Père envoie son Fils et lui confie avec amour une mission (5,10), une mission qui le conduira à une très grande glorification : « Père, glorifie ton Fils… glorifie-moi de la gloire que j’avais près de toi avant que fût le monde » (17,1.5).
- Le Fils : don de soi au Père pour le salut du monde Si le Père se donne totalement au Fils, lui confie sa mission, celle-ci est pour le Fils le lieu d’une immense glorification, dans laquelle le Père comble son Fils de ses dons sans mesure (« Celui que Dieu a envoyé prononce les paroles de Dieu, qui lui donne l’Esprit sans mesure ») ( 3,34), de la même manière le Fils répond au Père en se donnant à lui sans limite aucune. Il ne cherche pas sa propre gloire (7,18), ni celle qui vient des hommes (5,41), mais seulement la gloire du Père : « Père, glorifie ton Fils, pour que ton Fils te glorifie » (17,1) ; « Je t’ai glorifié sur la terre ; j’ai achevé l’œuvre que tu m’avais donné à faire » (17,4). Gloire du Père qui consiste à donner aux hommes la vie éternelle : « Je leur donne la vie éternelle » (10,28) ; « …par le pouvoir sur toute chair que tu lui as conféré, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés » (17,2). C’est pour cela qu’il donne aux hommes la parole du Père (17,8.14) ; le commandement nouveau (13,34) qui les comblera de joie (13,15-17). Il sait que cela lui demandera de donner l’eau qui surgit pour la vie éternelle (4,10-14) ; de donner sa propre chair comme nourriture qui reste pour la vie éternelle (6,27), même si, pour cela, on lui demande de donner sa propre vie. (6,51). L’amour pour les hommes le conduira jusqu’au fond : « Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à la fin » (13,1). Don sans réserve aux hommes qui surgit d’un total dévouement au Père : « J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as tirés du monde pour me les donner. Ils étaient à toi et tu me les as donnés et ils ont gardé ta parole. Maintenant ils savent que tout ce que tu m’as donné vient de toi » (17,6-7).
- Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi Nous pouvons alors comprendre un premier aspect de l’œuvre de l’Esprit dans la vie de Jésus : le Père donne tout au Fils et celui-ci lui répond en se donnant entièrement pour le salut et la vie du monde. L’Esprit opère le «vidage» dont parle Paul dans la Lettre aux Philippiens : « Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix ! » (Ph 2, 6-11).
Une œuvre, celle de l’Esprit, qui comblera Jésus d’une gloire immense et qui portera au monde la vie et le salut. C’est le chemin d’un amour chaste, d’une vie vécue dans la chasteté, avec un « cœur pur » (Mt 5,8), un cœur unifié.
- LE FILS FAIT CE QUE LE PERE LUI FAIT CONNAITRE : LE CHEMIN DE L’OBEISSANCE
L’Evangile de Jean nous conduit à faire une deuxième démarche : le Père ne donne pas seulement le Fils aux hommes pour les combler de ses dons, mais il donne aussi au Fils ses œuvres. C’est une expression paradoxale : l’œuvre, c’est quelque chose de personnel, qui appartient à celui qui l’accomplit ; comment quelqu’un peut-il donner ses œuvres à un autre ? Pourtant Jean nous dit que le Père donne ses œuvres au Fils.
- Le Père donne ses œuvres à Jésus – Jésus, l’envoyé du Père, vit dans la conviction de ne donner rien qui est à soi. Ce qu’il a et ce qu’il donne c’est seulement ce qu’il a reçu du Père. Aux Juifs qui l’accusent de blasphémer il répond : « Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas ; mais si je les fais, quand bien même vous ne me croiriez pas, croyez en ces œuvres… » (10,37-38). De même il affirme : « Ma doctrine n’est pas de moi, mais de celui qui m’a envoyé » (7,16) ; et encore : « Je ne parle pas de moi-même, mais le Père qui m’a envoyé m’a lui-même prescrit ce que je devais dire et faire entendre » (12,49). Aux disciples qui l’invitent avec insistance à manger après la rencontre avec la femme de Samarie, il répond : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre » (4,34). Nourriture qui alimente sa vie, don qu’il accueille avec gratitude, sens de sa venue parmi les hommes, parce que « … je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé » (6,38). Il est sûr que dans la parole du Père il y a sa vie : « …je sais que son ordre est vie éternelle » (12,50). Sa fidélité est la condition pour vivre en communion avec le Père : « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour » (15,10). Pour Jésus, il n’y a pas de don plus grand que celui-là.
- Jésus accomplit l’œuvre du Père dans une totale confiance Le fait de tout recevoir du Père ne fait pas de Jésus un exécutant passif. Le Fils accueille la volonté du Père comme un don qui le rend capable de prendre part à sa volonté. Il peut dire de lui-même : « …je fais toujours ce qui lui plaît » (8,29). Et le Père fait confiance au Fils : « Le Père aime le Fils ; il a tout remis en sa main » (3,35). « Le Père ne juge personne : tout le jugement il l’a remis au Fils afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père » (5,22). « Le Fils donne la vie à qui il veut » (5,21). La charge que le Père confie au Fils est le chemin de la vraie liberté : « Je vous dis cela, pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (15,11).
- La Passion – Résurrection : la plus grande œuvre que le Père confie au Fils Si la vie entière de Jésus a été vécue dans un total dévouement à l’œuvre du Père, ce dévouement se manifeste pleinement dans la Passion qui conduit à la Résurrection. En parlant de sa Passion, Jésus dit que c’est l’ordre du Père : « tel est l’ordre que j’ai reçu de mon Père » (10,18), un ordre qui consiste à donner sa propre vie, dans un chemin qui conduit à une vie pleine : « Si le Père m’aime, c’est que je donne ma vie, pour la reprendre » (10,17). A ce sujet, nous pouvons noter que Jésus n’est pas passif, mais qu’il vit en protagoniste. Dans la solennelle introduction à la Passion, Jean nous présente Jésus qui s’achemine vers le don de soi dans une conscience de la mission reçue et une liberté des plus totales : « sachant que son heure était venue de passer de ce monde au Père… que le Père avait tout remis en ses mains… » (13,1-3). Alors nous pouvons voir Jésus qui prend l’initiative : c’est lui qui se « sanctifie » (17,9) ; qui va au Père (13,1) ; qui laisse le monde et va à son Père (16,28). C’est lui qui « donne sa vie » (10,11.15.17.18 ; 15,13) ; personne ne la lui ôte : « On ne me l’ôte pas ; je la donne de moi-même. J’ai pouvoir de la donner et pouvoir de la reprendre » (10,18). C’est lui encore qui invite Judas à faire ce pour quoi il était venu (13,27) ; qui se présente à ceux qui sont venus pour l’arrêter (18,4.8). Une attitude qu’il maintiendra jusqu’à la croix, accomplissement de sa décision : « Puis, sachant que tout était achevé désormais, Jésus dit, pour que toute l’Ecriture s’accomplît : ‘J’ai soif’ » (19,28). Son seul désir est de se conformer à la volonté du Père, de « faire toujours ce qui lui plaît » (8,29). Il veut que « le monde sache que j’aime le Père et que j’agis comme le Père me l’a ordonné » (14,31). Aussi, quand il affirme que ses paroles s’accomplissent, il le fait dans une totale fidélité au Père : « Ceux que tu m’as donnés, je n’en ai pas perdu un seul » (18,9 ; 17,12). Parce que c’est la volonté du Père : « que je ne perde rien de ce qu’il m’a donné » (6,39). 2.4 Le chemin de l’obéissance : le chemin du Fils Nous pouvons alors comprendre un deuxième aspect que Jean nous présente : Jésus a accompli sa mission d’envoyé du Père dans une totale obéissance au Père. Il peut dire de lui-même : « Je t’ai glorifié sur la terre ; j’ai achevé l’œuvre que tu m’avais donnée à faire » (17,4). Pour lui, « faire la volonté du Père » et « accomplir son œuvre » sont la nourriture (4, 31-34) qui le fait vivre. Le renoncement à soi-même est pour lui se faire « obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix » (Ph 2,7-8). La Lettre aux Hébreux a un passage très lumineux à cet égard : « C’est lui qui, aux jours de sa chair, ayant présenté, avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant été exaucé en raison de sa piété, tout Fils qu’il était, apprit, de ce qu’il souffrit, l’obéissance ; après avoir été rendu parfait, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe de salut éternel … » (He 5, 7- 9). Et encore : « …En entrant dans le monde le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation… Alors j’ai dit : Voici, je viens… pour faire ta volonté… Et c’est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés par l’oblation du corps de Jésus Christ, une fois pour toutes » (He 10, 5-10). L’obéissance du Fils est un chef-d’œuvre de l’Eprit, qui « par un esprit éternel s’est offert lui-même sans tache à Dieu… pour que nous rendions un culte au Dieu vivant » (He 9, 14).
- « LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME » : LE CHEMIN DE LA PAUVRETE Nous avons déjà vu comment Jésus affirme plusieurs fois que les œuvres qu’il accomplit ne sont pas à lui, mais au Père, et qu’il les accueille comme le don qui le fait vivre. Mais l’Evangile de Jean nous conduit cependant à une autre démarche : le Père ne confie pas seulement au Fils ses œuvres, il lui « donne » aussi de les accomplir.
- En Jésus, le Père achève son œuvre Si, d’un côté, Jésus accueille avec un cœur plein de reconnaissance les œuvres que le Père lui confie, de l’autre il reconnaît que c’est le Père qui agit en lui pour le salut du monde. L’expression la plus hardie à cet égard, nous la trouvons quand Jésus dit : « Le Père qui demeure en moi accomplit les œuvres » (14,10). Ailleurs, il emploie l’expression « les œuvres de Dieu » (9,3), ou « les œuvres de celui qui m’a envoyé » (9,14), « les œuvres qui viennent du Père » (10,32), « les œuvres de mon Père » (10,37). Il ne s’agit pas seulement des œuvres qui sont au Père, mais des œuvres que le Père achève. La prière de Jésus devant le tombeau de Lazare, dans laquelle il reconnaît que ce qu’il fait est un don du Père : « Père, je te rends grâce de m’avoir exaucé. Je sais bien que tu m’exauces toujours… » est significative (1,41-42). Les gens aussi attribuent à Dieu la force guérisseuse qui habite Jésus. L’aveugle-né répond à ceux qui l’accusent : « Nous savons bien que Dieu n’exauce pas les pécheurs, mais que si un homme est religieux et accomplit sa volonté, celui-là il l’exauce » (9,31). Marthe aussi dit à Jésus : « … je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera » (11,22). Dans les œuvres de Jésus se manifeste l’amour et la tendresse du Père, qui prend soin de ses fils.
- Jésus fait les œuvres du Père Si Jésus appelle souvent ce qu’il fait « les œuvres du Père », il n’hésite pas à parler de sa participation à l’œuvre du Père. Il ne dit jamais « mes œuvres » ; ses frères, qui ne croient pas en lui, diront « les œuvres que tu fais » (7,3). Mais en parlant de ce qu’il fait Jésus dit : « Le Fils ne peut faire de lui-même rien qu’il ne voie faire au Père : ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement » (5, 19-20). C’est le Père qui agit et associe Jésus à son œuvre. C’est en ce sens, alors, que Jésus peut dire : « il me faut travailler aux œuvres de celui qui m’a envoyé » (9,4) ; « les œuvres que je fais au nom de mon Père » (10,25). Sa participation à l’œuvre du Père est le signe qu’il est envoyé par le Père : « Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas ; mais si je les fais, quand bien même vous ne me croiriez pas, croyez en ces œuvres… » (10,37-38).
- La Passion –Résurrection : l’œuvre du Père et du Fils En entrant dans sa Passion Jésus semble ne plus agir. Il ne fait plus rien, ne dit rien, n’agit pas. Il se laisse faire par les hommes : il est pris (18,12 ; 19,1.6.17) ; conduit (18,12 ;28) ; envoyé lié (18,24) ; livré (19,16) ; flagellé (19,1) ; crucifié (19,16.18.23) ; on lui enlève ses vêtements (19,23) ; on approche de sa bouche une éponge (19,29) ; on lui transperce la poitrine avec une lance (19,34) ; il est enseveli (19,38). En parlant de sa mort Jésus emploie toujours des verbes au passif : « être élevé » (3,14 ; 12,32) ; « être glorifié » (12,23 ; 13,1 ; cf. 7,39 ; 12,16 ; 17,1). Jean fait mémoire de la nuit où Judas est sorti du cénacle (13,30) et de la rencontre avec Nicodème (« c’est lui qui précédemment était allé de nuit trouver Jésus ») (19,39), qui encadrent tout le récit de la Passion. La nuit pendant laquelle on ne peut agir (9,4), pendant laquelle les ténèbres semblent avoir le dessus (11,9-10). La nuit pendant laquelle aussi le Père se tait, après ce que Jésus dit à Pierre au moment de son arrestation (« …la coupe que m’a donnée le Père, ne la boirai-je pas ? ») (18,11). Il ne nommera plus le Père jusqu’à la rencontre avec Marie de Magdala (20,17). La Passion, c’est le temps de l’impuissance de Jésus et du silence du Père. Mais dans la profondeur de sa faiblesse et du silence du Père, Jésus trouve la fécondité la plus grande. En mourant il « remit son esprit » (19,30) ; élevé de terre, il attire tous à lui (12,32) ; il devient le centre des regards des hommes (19,37). Les souffrances de sa mort sont comme les douleurs de l’enfantement (16,21), de la naissance de l’homme nouveau. Dans sa mort et résurrection, il acquiert la puissance même de Dieu : « le pouvoir sur toute chair », pouvoir qui lui permet de donner « la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés » (17,2). Pouvoir qu’il exerce surtout en envoyant du Père l’Esprit Saint, le Paraclet (15,26 ; 16,7). C’est dans sa mort qu’il devient « pain de vie » (6,52), et « source d’eau jaillissante en vie éternelle » (3,14). Avec sa mort toute Ecriture parvient à sa plénitude (19,28 ; 19,36), et Jésus, « ayant aimés les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin » (13,1), peut dire : « Tout est achevé » (19,30). La passion n’est plus le temps des œuvres, mais elle est sûrement le temps de « l’œuvre » du Père. Aux Juifs qui lui demandaient quelles œuvres il fallait faire pour être agréable à Dieu, Jésus ne dresse pas une liste des choses à faire, mais dit : « L’œuvre de Dieu c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé » (6,29). Les œuvres que Dieu recherche sont celles qui manifestent l’œuvre que Dieu accomplit dans le cœur de l’homme. Et cela vaut aussi pour le Fils. Si toutes ses œuvres sont la manifestation au monde de l’amour du Père, la Passion est son chef-d’œuvre, « l’œuvre », que le Père accomplit en son Fils pour le salut du monde. La Passion est la manifestation la plus grande de la communion qui unit le Père et le Fils : « Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas ; mais si je les fais, quand bien même vous ne me croiriez pas, croyez en ces œuvres et sachez une bonne fois que le Père est en moi et moi dans le Père » (10,37-38 ; cf. 4,11). « Le Père et moi, nous sommes un » (10,30). Une communion dans laquelle le Fils veut introduire l’humanité et qui est le don par excellence qu’il nous laisse : « Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient parfaitement un comme nous sommes un : moi en eux et toi en moi » (17,22). 3.4 La pauvreté du Fils, richesse du monde Nous sommes ainsi introduits dans le troisième aspect du mystère de la vie de Jésus : le Père ne confie pas seulement au Fils ses œuvres, mais il lui donne aussi la puissance pour faire ses œuvres. Nous comprenons alors le sens de ce que Jésus dit : « le Fils ne peut faire de lui-même rien » (5,19), il n’a pas la force pour le faire. Il reçoit sa force de son Père en se rendant totalement disponible à l’œuvre qu’il veut accomplir dans le monde et en faveur du monde. Le chemin de Jésus est celui d’une pauvreté qui ne connaît pas de limites et qui est la source de la fécondité de son ministère. C’est ce que Paul nous dit quand il écrit : « Vous connaissez la libéralité de notre Seigneur Jésus Christ, comment de riche il s’est fait pauvre pour vous, afin de vous enrichir par sa pauvreté » (2 Co 8,9). Chef-d’œuvre de l’Esprit qui est « descendu et resté » sur Jésus, chef-d’œuvre de l’Esprit dans le cœur de chaque homme dans l’histoire, selon les paroles de Jésus : « Il me glorifiera, car c’est de mon bien qu’il prendra pour vous en faire part. Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi j’ai dit : C’est de mon bien qu’il prendra pour vous en faire part » (16,14-15).
- CONCLUSION
Nous avons fait un parcours dans l’Evangile de Jean à la recherche de la source de la fécondité du ministère de Jésus. Il s’agit d’une question importante, parce qu’il s’agit de comprendre le chemin à parcourir pour vivre nous aussi un ministère fécond. Nous proposons quelques points récapitulatifs pour conclure ce travail :
- Le Père est le protagoniste de la mission ƒ Le Père donne Jésus aux hommes. C’est le Père qui envoie Jésus parmi les hommes, qui prend l’initiative pour leur salut, et cette mission est caractérisée par le don : « Oui, Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle » (3,16-17). « En vérité, en vérité, je vous le dis, ce n’est pas Moise qui vous a donné le pain du ciel ; c’est mon Père qui vous le donne, le pain du ciel, le vrai ; car le pain de Dieu c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde » (6,32-33). ƒ Le Père donne les hommes à Jésus L’initiative du Père ne s’épuise pas en donnant Jésus aux hommes, mais il veut donner aussi les hommes à Jésus. « Mais je vous le dis : vous me voyez et vous ne croyez pas. Tout ce que me donne le Père viendra à moi et celui qui vient à moi je ne le jetterai pas dehors ; car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. Or la volonté de celui qui m’a envoyé est que je ne perde rien de ce qu’il m’a donné, mais que je le ressuscite au dernier jour » (6,36- 39). Et devant les objections des Juifs, il confirme : « Ne murmurez pas entre vous. Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes : ils seront tous enseignés par Dieu. Quiconque entend l’enseignement du Père et s’en instruit vient à moi » (6,43-45). Aux disciples sceptiques à cause de ses paroles il dit : « Nul ne peut venir à moi sinon par un don du Père » (6,65). C’est le Père qui attire, conduit les hommes à Jésus, de manière qu’il peut dire : « Ils étaient à toi et tu me les a donnés » (17,6). Donner les hommes à Jésus, c’est le travail du Père jusqu’à la fin de l’histoire : « L’œuvre de Dieu c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé » (6,29). Une action, celle du Père, qui n’est pas limitée à ceux qui lui appartiennent : « J’ai d’autres brebis encore, qui ne sont pas de cet enclos » (10,16) ; elles sont à lui car elles lui ont été données par le Père (10,29). Et il ne suffit pas d’écouter sa parole s’il n’y a pas une très grande docilité au Père qui parle dans le cœur de l’homme. Il faut « croire en celui qu’il a envoyé » (5,24).
- Jésus : la plus grande œuvre du Père Nous avons souligné plusieurs fois que Jésus est la plus grande œuvre du Père, son chef-d’œuvre. Jésus est totalement disponible à son action sur un chemin de pauvreté, d’obéissance et de chasteté, et le Père lui répond en le comblant de ses dons : « Tout ce qui est à moi est à toi et ce qui est à toi est à moi » (17,10). « Je t’ai glorifié sur la terre ; j’ai achevé l’œuvre que tu m’avais donné à faire. Maintenant, Père, glorifie-moi de la gloire que j’avais près de toi avant que fût le monde » (17, 4-5). En parcourant ce chemin, il est devenu « chemin, vérité et vie ». (13,5). Personne, sans lui ne peut aller au Père (14,6). En le regardant on peut voir le visage même du Père :
« Qui m’a vu, a vu le Père » (14,9). Jésus a donné aux hommes la Parole du Père (17,14) ; a été lui- même la Parole du Père (1,1) ; il a manifesté le nom du Père (17,6). Il est devenu la force secrète qui habite l’histoire et qui conduit tout au Père : « Père, l’heure est venue : glorifie ton Fils, pour que ton Fils te glorifie et que, par le pouvoir sur toute chair que tu lui as conféré, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui a donnés » (17,1-3).
- La communion du Père et du Fils : l’œuvre de l’Esprit Le don total que le Père fait de lui-même au Fils et la réponse généreuse du Fils, qui se donne sans réserve au Père, révèlent la profonde communion qui unit le Père et le Fils. Jésus peut dire : « Moi et le Père, nous sommes un » (10,30) ; et prier ainsi : « Père saint, gardes en ton nom ceux que tu m’as donnés, pour qu’ils soient un comme nous » (17,11). « Que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (17,21). Cette communion est l’œuvre de l’Esprit, qui est descendu sur lui et l’a guidé, en faisant de sa vie une vie de « Fils ». « Oui, j’ai vu et j’atteste que c’est lui, le Fils de Dieu » (1,34).
- Jésus, l’envoyé du Père, associe les disciples à sa mission Jésus, l’envoyé du Père, désire que sa mission puisse continuer dans l’histoire des hommes. Pour cela il envoie les disciples en mission, en les avertissant qu’ils pourront l’accomplir seulement à sa manière : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (20,21). Pour cela il questionne Pierre et lui demande, comme fondement de la mission, un amour sans réserve : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ?» (21,15.16.17). Un amour qui le conduira jusqu’au don de sa propre vie (21,18-19), et qu’il pourra apprendre seulement à la suite de Jésus : « Suis-moi » (21,19.22), en évitant la tentation de penser qu’il sait faire les choses mieux que son maître : « Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez laver les pieds les uns aux autres. Je vous ai donné l’exemple, pour que vous agissiez comme j’ai agi envers vous. En vérité, en vérité, je vous le dis, l’esclave n’est pas plus grand que son maître, ni l’envoyé plus grand que celui qui l’envoie. Sachant cela, heureux serez-vous, si vous le faites » (13, 14-17). La fécondité de l’apôtre se fonde dans une très grande communion avec Jésus, comme celle que Jésus a vécue avec le Père : « Demeurez-en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas de lui-même porter du fruit, sans demeurer sur le cep, ainsi vous non plus, si vous ne demeurez en moi. Je suis le cep ; vous êtes les sarments. Qui demeure en moi, comme moi en lui, porte beaucoup de fruit ; car hors de moi vous ne pouvez rien faire » (15,4-5). « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour » (15, 9-10). 4.5 L’Esprit : le formateur de l’apôtre Cela est possible uniquement grâce à l’action de l’Esprit. C’est lui qui forme les apôtres à la manière de Jésus, l’envoyé du Père. Pour cela Jésus, après les avoir envoyés « à la manière » de l’envoi qu’il a reçu du Père, « … souffla sur eux et leur dit : Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (20,22-23). L’apôtre dans sa mission n’a force aucune sinon celle qui lui est donnée par l’Esprit. Il est le « Paraclet » (14,16.26 ; 15,26 ; 16,7), le Maître (14,26), la mémoire vivante du Seigneur dans le cœur des croyants (14,26). Il ouvre le chemin vers la plénitude de la vérité (16,13), introduit dans l’inépuisable nouveauté de l’Evangile (16,13) ; il est le témoin de Jésus, qui fait des disciples des témoins : « Quand viendra le Paraclet, que je vous enverrai d’auprès du Père, L’Esprit de vérité, qui provient du Père, il me rendra témoignage. Et vous aussi, vous témoignerez, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement » (15, 26-27). Fécondité du ministère dans l’Esprit (« De son sein couleront des fleuves d’eau vive »), qui naît d’un besoin permanent de s’abreuver à la source qui est Jésus (« …qu’il vienne à moi et qu’il boive »), fruit de la soif que le Père sans cesse continue à réveiller dans le cœur de l’homme (« Si quelqu’un a soif… »). « Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croient en lui ; car il n’y avait pas encore d’Esprit, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié » ((7,38-39).
Flavio GRENDELE
« Moi, je suis la porte des brebis »
ANNÉE B (2024) et C (2025)
En ce temps-là, Jésus déclara :
« Amen, amen, je vous le dis :
celui qui entre dans l’enclos des brebis
sans passer par la porte,
mais qui escalade par un autre endroit,
celui-là est un voleur et un bandit.
Celui qui entre par la porte,
c’est le pasteur, le berger des brebis.
Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix.
Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom,
et il les fait sortir.
Quand il a poussé dehors toutes les siennes,
il marche à leur tête, et les brebis le suivent,
car elles connaissent sa voix.
Jamais elles ne suivront un étranger,
mais elles s’enfuiront loin de lui,
car elles ne connaissent pas la voix des étrangers. »
Jésus employa cette image pour s’adresser aux pharisiens,
mais eux ne comprirent pas de quoi il leur parlait.
C’est pourquoi Jésus reprit la parole :
« Amen, amen, je vous le dis :
Moi, je suis la porte des brebis.
Tous ceux qui sont venus avant moi
sont des voleurs et des bandits ;
mais les brebis ne les ont pas écoutés.
Moi, je suis la porte.
Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ;
il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage.
Le voleur ne vient que pour voler, égorger, faire périr.
Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie,
la vie en abondance. »
Jn 10, 1-10
L’étude spirituelle de l’Évangile
Ce travail a été présenté à la session sur l’Étude de l’Évangile de juillet 2009 à Limonest. Il essaie de nous rapprocher de l’Étude de l’Évangile en tant qu’étude spirituelle. L’Esprit Saint est vraiment l’âme de cette étude : il forme le Christ dans l’Incarnation et dans l’Eucharistie. Il donne la vie à la parole écrite qui devient Parole vivante comme une deuxième Incarnation. Comme l’Esprit habite les Écritures, nous sommes appelés à nous laisser conduire par lui dans la lecture, l’étude et l’annonce de cette parole de grâce et de vie qui nous a été confiée.
Introduction
L’Église vit de la Parole de Dieu. La parole de Dieu a toujours été source de renouvellement et de réforme de la vie de l’Église tout au long de l’histoire.
Dieu a voulu que l’Écriture soit un des éléments constitutifs de l’Église pour que, guidée par l’Esprit Saint, elle puisse réaliser sa mission d’annoncer à toutes les nations la puissance du salut de Dieu – la Bonne Nouvelle de l’Évangile. Dans le témoignage de la Bible, l’Église trouve la nourriture de sa foi et de son espérance, la substance de sa pensée, le guide qui oriente ses actes.
Dès ses tout débuts, l’Église se rassemble autour de la Parole de Jésus Christ prêchée par les apôtres. C’est ce que nous pouvons appeler l’expérience fondatrice de l’Eglise à la Pentecôte. Dans un second temps, presque dès la fin de l’époque apostolique, on commence à mettre par écrit les paroles de Jésus et la prédication des apôtres. Ce qui se passe alors et qui va durer pratiquement pendant la seconde partie du premier siècle, c’est encore sous l’impulsion de l’Esprit Saint qui réalise ainsi une seconde incarnation de la parole écrite.
L’Esprit Saint habite la Parole de Dieu. Son inspiration ne se limite pas à la seule période de sa mise par écrit ; elle anime toute la vie de l’Église. L’Esprit Saint ouvre l’intelligence et le cœur des croyants de façon qu’ils comprennent les Ecritures et qu’ils les interprètent dans le sens que lui, il a voulu leur donner.
L’action de l’Esprit Saint s’est faite très présente à l’époque apostolique et post-apostolique, mais aussi dans tous les efforts des Pères de l’Église pour inculturer la révélation dans la culture grecque et latine. Cette activité de compréhension et d’inculturation s’est poursuivie au long de l’histoire : au Moyen Age en franchissant les frontières de l’Empire Romain, à l’Époque Moderne avec l’évangélisation du Continent Américain, plus tard en Afrique et en Asie.
L’Église vit de la Parole de Dieu, c’est sa principale nourriture (Mt 4,4 ; DV 24). Et cette parole doit être lue et méditée dans la lumière de l’Esprit, car lui, il en fait la Parole vivante et actuelle. Voilà la longue expérience et le grand trésor que nous trouvons dans la riche tradition de l’Église. Dans cette tradition se détache une voix originale, celle d’Antoine Chevrier avec l’étude spirituelle de l’Écriture : l’Étude de l’Évangile.
I – L’ACTION VIVIFIANTE DE L’ESPRIT SAINT
C’est l’Esprit qui forme Jésus Christ, le Verbe fait chair, dans les entrailles de Marie ; et c’est encore lui qui fait de l’Écriture la Parole vivante et actuelle de Dieu.
1 – L’action de l’Esprit en Jésus Christ, le Verbe fait chair
Pour révéler et faire connaître son dessein de salut, Dieu a choisi le chemin de l’Incarnation. L’Incarnation porte en elle ce geste de Dieu, cet effet de se rendre proche, d’assumer la condition humaine afin de pouvoir être compris et reconnu par l’homme qui est son image. Voilà pourquoi non seulement il se fait chair, mais encore il se fait langage, et surtout il se fait parole humaine pour communiquer son dessein d’amour et pour associer l’humanité à son œuvre de salut.
C’est sous l’impulsion et l’animation de l’Esprit Saint que se développe le dynamisme de l’Incarnation. Il forme le corps humain du Fils ; il nous révèle que Jésus est le Fils du Très-Haut, le Dieu avec nous (Lc 1,35 ; Mt 1,20-23). Mais l’activité de l’Esprit ne se réduit pas au seul moment de l’incarnation. Il est présent dans toute la vie de Jésus en manifestant comment l’homme Jésus est le Fils de Dieu, comment il est venu réaliser la volonté du Père en se mettant au service de la mission qu’il lui a donnée.
L’Esprit est celui qui, dans le Jourdain, confère l’onction et consacre Jésus Christ comme le Messie qui rend présent dans le monde le Royaume de Dieu : un Messie, Fils bien-aimé du Père, qui s’est fait aussi Parole que nous, les hommes, nous devons écouter : « Voici que les cieux s’ouvrirent et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et voici qu’une voix venant des cieux disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir » (Mt 3,16-17).
Jésus annonce le Royaume de Dieu. Il réalise sa mission sous l’impulsion et l’emprise de l’Esprit qui implante le Royaume au cœur des réalités humaines, dans les profondeurs les plus dures et conflictuelles, dans les problèmes les plus impénétrables auxquels le plus souvent nous échappons avec la majorité des hommes (Lc 4,14-30 ; 7,21-23). Cela entraîne donc des conflits avec l’esprit du monde, avec les esprits mauvais qui asservissent l’humanité. Le récit des tentations et les exorcismes qu’accomplit Jésus nous montrent combien l’Esprit Saint reste actif dans ce combat. Il nous manifeste qu’en Jésus, Dieu s’engage dans la libération de tout ce qui réduit l’humanité en esclavage. Ainsi, nous ne sommes plus esclaves, mais fils, autrement dit libres (Lc 4,1-13 ; 31-37 ; 11,14-22).
L’Incarnation conduit Jésus à embrasser la condition humaine avec tout ce que cela implique, y compris une mort injuste. « Dans sa condition d’homme, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix » (Ph 2,7-8). Mais l’action de l’Esprit ne s’interrompt pas avec la mort de Jésus sur la croix. Dans la foi et la confiance, au Calvaire Jésus remet son esprit au Père. L’esprit du Fils exerce sa puissance au-delà de la mort, au-delà des limites de la chair. Il pénètre la vie véritable, celle de l’Esprit, que nous appelons résurrection. C’est ce que rappelle Paul aux Corinthiens qui éprouvent des difficultés à croire en la résurrection, en la vie nouvelle dans l’Esprit : « Le premier homme Adam fut un être animal doué de vie, le dernier Adam est un être spirituel donnant la vie » (1 Co 15,45).
L’Esprit agit en sorte que Jésus ne soit pas un mort, ni un personnage du passé, mais qu’il soit le Fils glorifié, assis à la droite du Père, et en même temps présent tous les jours jusqu’à la fin du monde. C’est la grande confession de foi que fait Paul dans la lettre aux Romains : « Mis à part pour annoncer l’Evangile de Dieu (…) Cet Evangile concerne son Fils, issu selon la chair de la lignée de David, établi selon l’Esprit Saint, Fils de Dieu avec puissance par sa Résurrection d’entre les morts » (Rm 1,1-4 ; 8,11).
L’Esprit nous révèle et nous fait voir l’humanité de Jésus. En même temps, il nous atteste que Jésus est le Fils de Dieu, que tout en l’homme Jésus dévoile le Père. Il est, lui, le Verbe, la Parole du Père ; il a pris chair et il a planté sa tente au milieu de nous (Jn 1,14). Le Verbe éclaire l’humanité nouvelle. Le lien d’union, le lien de famille n’est plus la chair ni le sang ; c’est l’Esprit et la foi : « Mais à ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Ceux-là ne sont pas nés du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu » (Jn 1,1213 ; 3,5- 7).
Comme nous l’avons dit, l’Esprit rend présent Jésus Christ ressuscité et il garantit sa permanence dans le monde d’une manière continue : « Moi, je prierai le Père : il vous donnera un autre paraclet qui restera avec vous pour toujours. C’est lui l’Esprit de vérité…Je ne vous laisserai pas orphelins, je viens à vous… » (Jn 14,16-20). Cette présence de Jésus grâce à l’Esprit est particulièrement évidente et proche dans l’Eucharistie. Par son action, l’Esprit fait du pain et du vin le Corps et le Sang du Seigneur ressuscité et en permanence il nous l’offre comme aliment de vie. « Sanctifie ces offrandes en répandant sur elles ton Esprit ; qu’elles deviennent pour nous le corps et le sang de Jésus, le Christ, notre Seigneur » (Prière Eucharistique II). Dans le quatrième Evangile, la conclusion du discours eucharistique dans la synagogue de Capharnaüm confirme que l’Esprit en Jésus agit en principe de vie et de transformation ; pour nous Jésus devient pain de vie, nourriture de vie éternelle : C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert à rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie » (Jn 6,63).
L’esprit nous révèle que Jésus est la Parole qui, depuis le commencement, était tournée vers Dieu, qu’il est Dieu, et qu’il a établi sa tente parmi nous (Jn 1,1-2.14). Il ne s’agit pas de n’importe quelle parole, mais d’une parole vivante, d’une parole qui est une personne et qui nous exprime parfaitement qui est Dieu : « Personne n’a jamais vu Dieu ; Dieu Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l’a dévoilé » (Jn 1,18). Cette parole claire, transparente, définitive que Dieu prononce sur toute l’humanité, c’est son Fils : « Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé autrefois aux pères dans les prophètes, Dieu, en la période finale où nous sommes, nous a parlé à nous en un Fils qu’il a établi héritier de tout, par qui aussi il a créé les mondes » (He 1,1-2).
À grands traits et succinctement, nous avons évoqué l’action de l’Esprit dans le Fils, le Verbe fait chair, la Parole du Père, qui nous dévoile l’amour et la communion au sein de la famille trinitaire. L’Esprit est celui qui nous rappelle les paroles de Jésus et qui nous amène à la connaissance véritable du Fils par la foi : « Lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière. Car il ne parlera pas de son propre chef, mais il dira ce qu’il entendra et il vous communiquera tout ce qui doit venir » (Jn 16,13).
2 – L’action de l’Esprit Saint dans l’Ecriture
Tout ce que nous venons d’exprimer sur l’action de l’Esprit Saint dans le Verbe fait chair, dans la Parole vivante et personnelle du Père, se réalise d’une manière semblable dans l’Écriture Sainte, la parole écrite. L’Ecriture devient Parole de Dieu sous l’action de l’Esprit Saint. Cette même action de l’Esprit continue d’animer, très présente, ce que nous pouvons appeler tout le processus de la gestation des Ecritures : elles viennent comme une suite et un prolongement de l’Incarnation ; son éclosion est l’inspiration des livres sacrés. Mais nous n’allons pas développer ce thème ici.
C’est l’Esprit qui garantit la continuité entre d’une part le Verbe, la Parole définitive du Père, et d’autre part le témoignage que lui rendent les livres sacrés, la parole écrite qui nous révèle aujourd’hui tout le dessein de Dieu sur le salut.
L’Esprit Saint reste actif dans tout le processus d’élaboration des livres de la Bible. Une action et une influence qui continuent d’agir encore dans l’interprétation et dans la lecture des textes sacrés ; c’est ce que confirme la constitution Dei Verbum du Concile Vatican II : « A l’intérieur des paroles, il est une âme qui les inspire et qui procure la force à celui qui s’en approche avec foi » (cf. DV 24). « L’Écriture Sainte doit être lue et interprétée avec le même Esprit qui l’a fait écrire » (DV 12). Le véritable sujet, ce n’est pas l’être humain, c’est l’Esprit Saint. C’est lui qui exerce une véritable influence sur l’auteur sacré, sur le lecteur et sur l’interprète. La présence de l’Esprit ne se cantonne pas au texte définitif que nous acceptons comme inspiré, mais elle se manifeste aussi chez le croyant qui lit et interprète la Parole. Auteur, lecteur, interprète, tous sont habités et animés par l’Esprit.
Concernant la présence de Jésus dans toute l’Écriture, Henri de Lubac s’exprime bien et profondément au sujet de cette vérité que nous révèle l’Esprit : « Ce ne sont pas seulement les livres sacrés qui furent inspirés à un moment donné. Les mêmes livres sacrés sont et restent inspirés… L’Esprit ne s’est pas contenté de dicter l’Écriture, il s’est enfermé en elle. Elle est fécondée par le miracle de l’Esprit Saint ».
Les paroles de Dieu se sont exprimées dans des mots humains, elles sont devenues semblables au langage humain. Tout comme, dans un autre temps, le Verbe du Père éternel, en assumant « la chair de la faiblesse humaine », s’est fait semblable aux hommes.
Le Verbe s’est fait parole humaine ; en s’inspirant du verbe « s’incarner », on pourrait dire qu’il « s’est emparolé ». Car il s’agit vraiment d’une incarnation du Verbe dans la parole : il s’est fait présent dans cette chair vulnérable, éphémère des mots, et c’est par là qu’advient le salut. A travers les humbles mots des saintes Écritures, le Verbe nous parle. A travers les mêmes mots, nous avons accès au Verbe, Parole de Dieu.
Epiclèse sur la parole
L’Esprit souffle la vie sur la parole écrite et situe le Livre dans l’amplitude plus considérable du mystère de l’Incarnation et de l’Église. Dès lors, grâce à l’Esprit Saint, la Parole de Dieu est une réalité liturgique et prophétique, elle est annonce avant d’être livre, elle est témoignage de l’Esprit Saint sur la présence de Jésus Christ comme révélation du Père, dont le moment privilégié est l’Eucharistie.
La proclamation de la Parole de Dieu contenue dans l’Ecriture est une action de l’Esprit : de même que dans le passé il a œuvré pour que la Parole devienne livre à travers l’inspiration, maintenant dans la liturgie il transforme le livre en Parole, en en faisant la présence aimante du Père à la rencontre de ses fils pour prendre parole avec eux (DV 21).
D’où l’étroite relation qui s’établit entre Parole et Eucharistie ; nous devons continuer de l’approfondir comme nous avertit saint Jérôme ; nous en trouverons d’ailleurs un écho chez Antoine Chevrier comme nous le signalerons plus tard. La Chair du Seigneur, véritable nourriture et son Sang, véritable boisson, sont le véritable bien qui nous est réservé dans la vie présente : se nourrir de sa Chair et boire son Sang, pas seulement dans l’Eucharistie mais aussi dans la lecture de l’Ecriture Sainte. En effet, la Parole de Dieu est véritable nourriture et véritable boisson qu’on obtient à travers la connaissance des Ecritures.
Pour que la Parole écrite soit Parole vivante de Dieu, il faut une épiclèse : la Sainte Tradition est l’épiclèse de l’Histoire du Salut, c’est la théophanie de l’Esprit Saint, sans quoi l’histoire reste incompréhensible et l’Écriture lettre morte. De même que l’Eglise invoque l’Esprit pour que s’accomplisse la transformation du pain et du vin en corps et sang du Christ, pareillement l’Église invoque l’Esprit et reçoit son aide dans la Tradition, afin que l’Écriture retrouve vie et soit Parole de Dieu vivante et efficace à chaque moment de la vie de l’Église.
La Parole de Dieu ne reste pas fossilisée dans la Bible. Elle est en attente et repose dans la Bible, mais elle n’est pas pétrifiée ; ce n’est pas non plus un animal inerte et naturalisé ; elle n’est pas nécrosée dans un livre imprimé. On pourrait dire qu’elle « dort ». Elle attend que la puissance de Dieu la réveille. Nous venons de le dire, elle a besoin d’une épiclèse – d’une invocation faite à l’Esprit – qui lui donne vie et la transforme. Sans cette épiclèse, la Parole reste endormie, elle ne s’éveille pas.
L’intelligence de la foi
Ce n’est que dans la foi que l’on peut accueillir et comprendre toute cette action de l’Esprit qui révèle et vivifie. Pour capter ce que Dieu a voulu nous dire, il faut se situer du point de vue de la foi ; en effet, le message de la révélation divine est essentiellement en relation avec notre vocation et notre destinée les plus profondes. Il faut découvrir sous les mots du texte la vérité de notre salut. Nous ne pourrons y accéder que dans l’Esprit Saint : « Il touche le cœur de l’homme, il le tourne vers Dieu pour ouvrir les yeux de son âme, et il donne à tous la joie profonde de consentir et de croire à la vérité » (DV 5).
Le type de relation qu’on peut avoir avec la Parole de Dieu est clairement déterminé par une vision de foi. Chaque fois que le croyant prend la Bible et se met à la lire avec foi, la puissance et toute la capacité d’inspiration de l’Esprit Saint deviennent réelles. Mais si on ne lit pas la Bible à la lumière de l’Esprit, ce n’est plus une lecture croyante ; c’est alors une lecture qui perd toute sa valeur et ses propriétés, une lecture qui se situe à la marge de la foi de l’Eglise. Par contre la sagesse de la foi nous permet d’entrer dans le sens le plus profond du texte, dans une parole réellement chargée de révélation. Saint Grégoire le Grand nous parle de la nécessité de cette sagesse, de ce que nous appelons l’intelligence de la foi : « Les Paroles de Dieu ne peuvent absolument pas être pénétrées sans cette sagesse, car si quelqu’un n’a pas reçu l’Esprit de Dieu, il ne peut en aucun cas comprendre les paroles de Dieu ».
Le croyant est d’abord quelqu’un qui écoute. C’est ce qui identifie le véritable croyant qui a accueilli les Paroles et les commandements du Seigneur : « Ecoute, Israël ! » Dieu appelle à écouter avec l’oreille du cœur. Celui qui écoute ainsi confesse la présence de celui qui lui parle et qui désire s’engager avec lui ; il cherche en lui-même un espace pour que l’autre puisse habiter en lui. De tout cela se dégage la figure anthropologique que la Bible désire construire, celle de l’homme capable d’écouter (1 R 3,9). Mais cette écoute n’est pas une simple audition de phrases bibliques, c’est un discernement de la Parole de Dieu que l’Esprit lui-même réalise. Cela exige la foi et doit se réaliser dans la lumière de l’Esprit Saint.
La prière
L’écoute dans la foi est indissolublement liée à la prière. Que ce soit dans la liturgie, en groupe ou individuellement, la lecture biblique doit toujours s’accompagner de la prière, et ce sera notre réponse dans le dialogue avec la Parole que Dieu nous adresse : « La prière – qu’on se le rappelle – doit accompagner la lecture de la Sainte Ecriture pour que s’établisse un dialogue entre Dieu et l’homme, car c’est à lui que nous nous adressons quand nous prions ; c’est lui que nous écoutons quand nous lisons ses paroles » (DV 25). C’est pourquoi il est nécessaire qu’au-delà des paroles se prolonge le silence. L’Esprit Saint donne à connaître et à comprendre la Parole de Dieu en s’unissant silencieusement à notre propre esprit (Rm 8,26-27). Pour parvenir à une interprétation pleinement valide des paroles inspirées par l’Esprit, on doit se laisser guider par lui ; et pour cela, il est indispensable de prier, de prier beaucoup, de demander dans la prière la lumière intérieure de l’Esprit Saint, puis d’accueillir docilement cette prière.
La prière devient ouverture, accueil et adoration. En elle, il y a place pour l’adoration de la Parole, pour l’oraison de foi et à genoux. En effet, notre lecture de la Bible est une rencontre avec un texte qui est comme une terre sainte où Dieu habite. Devant la sainteté du texte de la Bible, le lecteur croyant doit « quitter ses sandales », comme l’avait fait Moïse devant le mystère du buisson ardent ; il n’y a qu’à écouter celui qui lui parle.
L’Esprit agit en sorte que l’Écriture ne soit pas un simple texte imprimé mais une révélation de Dieu. La place primordiale et le rôle principal de l’Esprit ne diminuent en rien l’apport des sciences humaines quand il s’agit de comprendre le sens profond de la Parole de Dieu. Ainsi une intelligence spirituelle de l’Écriture suppose un engagement exigeant dans l’étude des sciences bibliques, puisqu’on ne doit jamais séparer la compréhension spirituelle de la recherche exégétique. La foi ne dispense pas d’un travail consciencieux et sérieux. Au contraire, il le réclame impérativement, il le requiert comme une urgence. Cependant nous ne pouvons pas oublier qu’une compréhension de foi est nécessaire pour pénétrer le sens des paroles de l’Écriture Sainte.
C’est dans la Parole de Dieu que l’Église rencontre l’annonce de son identité, la grâce de sa conversion, son envoi en mission, la règle absolue de la foi. C’est pourquoi cette parole vivifiée par l’Esprit est avant tout une Parole méditée, étudiée, priée et célébrée, qui nourrit et articule la vie de l’Église.
Antoine Chevrier s’inscrit dans la riche tradition de si nombreux témoins de l’Évangile qui ont lu et étudié la Parole de Dieu dans la lumière de l’Esprit. Là se trouve la source qui a inspiré, jeté les bases et soutenu la mission et l’œuvre du Prado. C’est dans son écoute et dans son étude de Notre Seigneur qu’est né le Prado.
II – L’ÉTUDE DE NOTRE SEIGNEUR JÉSUS CHRIST, UNE ÉTUDE SPIRITUELLE
Jusqu’à présent nous avons essayé de mettre en lumière l’action de L’Esprit Saint en Jésus, le Verbe fait chair, la Parole définitive du Père puis son action dans l’Ecriture, la parole de Dieu écrite, vivante et actuelle. Toute cette réflexion revient à poser les fondations sur lesquelles s’appuie et se structure l’Étude d’Évangile, aussi bien dans l’expérience d’Antoine Chevrier que dans la praxis du Prado, avec une même fidélité à la riche tradition de l’Église qui lit l’Écriture Sainte dans le souffle et la lumière de l’Esprit.
Tout le dynamisme, toute l’activité créatrice et porteuse de vie de l’Esprit Saint dans le Verbe et dans l’Ecriture se font présents et actuels dans l’Étude d’Évangile ; nous, nous l’appelons « étude spirituelle de l’Évangile », c’est-à-dire une étude faite dans l’Esprit Saint.
1 – Étude spirituelle
L’expression « Étude de notre Seigneur Jésus Christ » est utilisée de manière répétée par le Père Chevrier. Il l’a reprise de « l’Imitation de Jésus Christ ».
Dans ce cas, le mot « étude » n’a pas un sens scolaire ni purement intellectuel. Il s’agit d’une étude qui doit se réaliser en faisant appel à l’intelligence bien sûr, mais qui attache plus d’importance à la dimension affective, aux raisons du cœur, à l’amour. Plutôt qu’à une obligation, cette étude répond à un attrait intérieur, c’est une véritable passion. Pour le Père Chevrier, le mot « étude » prend des connotations d’attachement de tout cœur, de goût, de zèle. Dans cette étude, on trouve la plus grande joie et, du coup, on lui consacre son temps et ses soins. La connaissance de Jésus Christ, c’est la passion du Père Chevrier. C’est une étude qui naît de l’amour, qui se développe dans l’amour et qui aboutit à l’amour. L’Esprit produit la connaissance de Jésus Christ.
Le Père Chevrier ne parle pas d’étude spirituelle de l’Évangile. Habituellement, il parle plutôt d’« Étude de Jésus Christ », mais il établit une relation étroite entre l’étude de l’Évangile, l’étude des paroles de Jésus et l’Esprit Saint.
C’est l’Esprit Saint qui dévoile les mystères de Dieu et les révèle aux hommes. Le Père Chevrier l’affirme dans une étude d’Évangile sur l’Esprit Saint et il appuie cette affirmation avec un texte de la lettre aux Ephésiens : « Vous pouvez constater, en me lisant, quelle intelligence j’ai du mystère du Christ. Ce mystère, Dieu ne l’a pas fait connaître aux hommes des générations passées comme il vient de le révéler maintenant par l’Esprit à ses saints apôtres et prophètes » (Ep 3,4-5).
Antoine Chevrier fait l’expérience que l’Esprit est dans l’Évangile, dans les paroles de Jésus Christ. L’Écriture est habitée par l’Esprit Saint qui fait d’elle la parole du Christ vivant et actuel, une lettre écrite pour nous dans notre cœur. C’est pourquoi le disciple et l’apôtre doivent étudier l’Évangile pour connaître Jésus Christ et pour l’aimer : « L’esprit de Jésus Christ se trouve dans la parole de Notre Seigneur surtout. L’étude du saint Evangile, les paroles et les actions de Jésus Christ, voilà toute notre étude, voilà ce que nous devons chercher à connaître et à comprendre » (Yves Musset : le Christ du Père Chevrier, p.40). Pour cela même, cela doit être un travail continuel et constant afin de nous initier et de grandir dans cette connaissance, dans l’intelligence de la foi.
Nous l’avons déjà noté, les Écritures sont œuvre de l’Esprit. Dans l’étude de l’Évangile, nous accueillons le témoignage de l’Esprit et nous nous en remettons à lui pour qu’il guide toute notre existence de disciples et d’apôtres de Jésus Christ. L’étude des Ecritures, nous la faisons sous la lumière et l’action de l’Esprit Saint (c’est une étude « spirituelle ») de telle manière que notre recherche ne soit pas centrée sur un message ou un livre, mais sur la personne du Verbe qui se révèle dans les paroles et dans les gestes que nous rapportent les Écritures : « Lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière. Car il ne parlera pas de son propre chef, mais il dira ce qu’il entendra et il vous communiquera tout ce qui doit venir. Il me glorifiera car il recevra de ce qui est à moi et il vous le communiquera » (Jn 16,13-14). L’étude spirituelle de l’Évangile conforme au Christ.
Un véritable disciple de Jésus, c’est quelqu’un dont l’Esprit Saint s’est emparé. Celui-ci l’amène à la connaissance et à la pleine communion avec Jésus Christ, jusqu’à ce que le disciple parvienne à penser et à agir comme Jésus Christ, jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’un avec lui. « Le disciple de Jésus Christ est un homme qui est rempli de l’esprit de son Maître, qui pense comme son Maître, qui le suit en tout et partout… Cet esprit est répandu dans le Saint Évangile » (VD 510). Cultiver cette grâce, cette étude spirituelle, c’est ouvrir toute notre vie à l’Esprit Saint qui forme Jésus Christ en nous, ainsi même que par l’Incarnation il avait formé Jésus en Marie. L’action et la présence de l’Esprit n’est ni spectaculaire, ni visible ; elle est simple et discrète. On le trouve caché dans l’histoire et dans l’écrit. C’est pourquoi le Père Chevrier nous renvoie aux Écritures ; l’Esprit y est toujours présent pour se communiquer à celui qui les écoute ou les lit, uni à la foi de l’Eglise. Animé par l’Esprit, le disciple entre dans une intelligence plus profonde des Ecritures. Il se laissera ainsi recréer dans son action par le même Esprit qui l’amène à la connaissance et à la communion avec le Christ lui-même.
Cette étude spirituelle de l’Ecriture, on la fait toujours dans la foi de l’Église. En effet sans l’Esprit, on ne peut se conformer à Jésus Christ, pas plus qu’il ne peut y avoir de témoignage apostolique. L’Esprit Saint est l’âme, la source d’une nouvelle incarnation du Verbe dans notre esprit à travers l’Ecriture inspirée qui révèle et rend présent l’Envoyé du Père dans la communauté des croyants. Cette étude des Écritures fonde le témoignage du Christ mort et ressuscité, elle nous amène à tout discerner, à tout voir et à tout lire à partir de lui : « Nous n’en parlons pas dans le langage qu’enseigne la sagesse humaine, mais dans celui qu’enseigne l’Esprit (…) car c’est spirituellement qu’on en juge. L’homme spirituel juge de tout et n’est lui-même jugé par personne. Car qui a connu la pensée du Seigneur pour l’instruire ? Or nous, nous avons la pensée du Christ » (1 Co 2,13-16).
Pour posséder l’Esprit ou nous laisser investir par lui, le chemin passe par la personne du Verbe contemplé dans les Écritures. La lecture et l’étude assidue des Ecritures sont fondamentales dans la vie du disciple et de l’apôtre, elles ne peuvent pas être seulement occasionnelles. Il ne s’agit donc pas de fréquenter l’Évangile de temps en temps, mais de laisser la main de l’Esprit nous submerger dans les eaux profondes de l’Évangile.
« Il faut d’abord lire et relire le Saint Évangile, s’en pénétrer, l’étudier, le savoir par cœur, étudier chaque parole, chaque action, pour en saisir le sens et le faire passer dans ses propres pensées et dans ses actions. C’est dans l’oraison de chaque jour qu’il faut faire cette étude et qu’il faut faire passer Jésus Christ dans sa vie » (VD 227). Comme le rappelle et en témoigne le Père Chevrier, il y a une forte interaction entre l’étude de l’Évangile et la prière ; toutes deux s’appellent et se fécondent l’une l’autre. Un autre fruit de cette interaction, c’est la conversion qui naît de la rencontre avec Jésus Christ, quand on se laisse conduire par l’Esprit. Il est l’âme de cette étude qui nous fait entrer en lutte et en confrontation avec notre propre esprit et avec l’esprit du monde : « Qui sont ceux qui ont l’esprit de Dieu ? Ce sont ceux qui ont prié beaucoup et qui l’ont demandé longtemps. Ce sont ceux qui ont étudié longtemps le Saint Évangile, les paroles et les actions de Notre Seigneur, qui ont travaillé longtemps à réformer en eux ce qui est opposé à l’esprit de Notre Seigneur » (VD 227).
L’étude spirituelle de l’Évangile nous mène à la connaissance de Jésus Christ, à sa rencontre personnelle, et c’est ce qui nous permet d’entrer en une relation de dialogue avec Jésus en tant que notre contemporain. De plus, cette expérience de rencontre est l’âme de la mission. A travers l’Etude d’Évangile, et comme il l’a fait avec Jésus dans la synagogue de Nazareth, l’Esprit nous pousse à aller vers les pauvres, à faire nôtre leur vie et à leur annoncer la Bonne Nouvelle de l’Évangile. C’est pourquoi, nous le répétons une fois encore, l’étude des Écritures, c’est l’étude de la personne de Jésus Christ ; non pas une recherche d’accumulation d’informations sur Jésus, mais une recherche de communion pour ne devenir plus qu’un avec le Christ. C’est ce que reflète l’expérience de la nouvelle connaissance de Jésus Christ qu’a pu découvrir l’apôtre Paul : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi. Car ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2,20).
2 L’Étude de Notre Seigneur Jésus Christ
Nous avons déjà indiqué que cette expression n’est pas du Père Chevrier. Il l’a reprise à « l’Imitation de Jésus Christ » alors qu’il était étudiant en théologie. Elle apparaîtra ensuite et se répètera dans ses écrits.
Au temps du Père Chevrier, comme aujourd’hui en Europe, s’était généralisée l’ignorance religieuse, la méconnaissance de Jésus Christ, surtout dans la classe ouvrière qui émergeait alors des débuts de la révolution industrielle. Cela a marqué la vie d’Antoine Chevrier et a interpellé sa manière d’exercer son ministère. Pour lui, connaître Jésus Christ, c’est tout. En conséquence, ce qui est primordial dans la vie du chrétien, dans la vie du prêtre, c’est d’étudier Jésus Christ pour arriver à le connaître.
Mais cette étude n’est pas un travail intellectuel, scolaire ou d’investigations. L’objectif visé n’est pas l’information, mais la connaissance d’une personne : c’est que le Christ prenne forme en ceux qui le recherchent à travers la connaissance de la foi. Cette recherche-là n’est pas centrée sur une doctrine ou sur un livre, mais sur Jésus Christ qui se révèle dans les paroles et les gestes que rapporte l’Écriture. Cette étude a aussi à voir avec l’amour, car l’amour évoque la présence ; il évoque la communion avec la personne qu’on aime.
Chez Chevrier, cette étude prend naissance dans la contemplation de Jésus Christ. Toute sa vie est restée marquée par l’expérience de la grâce de Noël 1856, c’est-à-dire de sa contemplation du mystère de l’Incarnation. De là venait son ardeur constante à ce que l’Envoyé du Père soit connu de tous. Cela va être son grand travail : connaître Jésus Christ pour le faire connaître. « Ne sommes-nous pas là pour cela et pour cela seul : connaître Jésus Christ et son Père, et le faire connaître aux autres… » (Lettre 181)
Avant la grâce de Noël 1856, on ne trouve pas d’Etude d’Évangile dans les écrits du Père Chevrier. L’Étude de Jésus Christ a donc une origine mystique et apostolique, la grâce de Noël. Sans la lumière particulière contemplée dans le mystère de l’Incarnation, on ne pourrait pas expliquer sa manière admirable et surprenante de commenter le Prologue de Saint Jean : « Le Verbe s’est fait chair ».
L’Étude de Jésus Christ dans l’Eucharistie
« Étudier Jésus Christ dans sa vie mortelle, dans sa vie eucharistique, sera toute mon étude » (1er Règlement 1857).
Il est significatif que la première Étude d’Évangile du Père Chevrier soit précédée d’une étude sur l’Eucharistie. C’est ainsi que Jésus Christ s’unit à nous, et nous à lui. Cela nous indique que l’étude et la connaissance de Jésus Christ se réalisent non seulement dans les Évangiles (dans les Écritures), mais aussi dans la vie sacramentelle.
Comme Antoine Chevrier, nous sommes appelés nous aussi à étudier, connaître, chercher Jésus Christ dans l’Eucharistie, dans la célébration ainsi que dans l’adoration devant le tabernacle. « Le tabernacle est le lieu où le disciple du Christ est convié à la foi, à l’adoration, au cœur à cœur aimant » (Yves Musset : le Christ du Père Chevrier p.79). Cette contemplation et cet espace d’étude s’accordent bien avec la spiritualité du Père Chevrier qui a sa source dans le mystère de l’Incarnation : l’Eucharistie est comme « une extension de l’Incarnation divine. Dans l’Incarnation, il se change en nous. Dans l’Eucharistie, il nous change en lui » (Ms 7,1).
Cette étude du Père Chevrier sur l’Eucharistie souligne l’union à Jésus Christ et l’amour, ce qui nous renvoie encore à l’un des traits les plus spécifiques de la spiritualité du Père Chevrier : l’imitation du Christ, notre modèle. « Nous devenons les frères de Jésus Christ, puisque nous sommes unis à lui par les mêmes pensées et que son sang coule en nous par la sainte Eucharistie » (Ms 11,2). « Nous sommes sa vie extérieure et lui, notre vie intérieure » (Ms 9,4j). Dans la foi nous mangeons et nous buvons la Parole faite chair à la table de la Parole et dans la fraction du pain. Dans notre vie de chaque jour, il nous faut être conscients de la relation en boucle qui s’établit entre notre Etude d’Évangile et la célébration de l’Eucharistie.
Le « Règlement de Vie » de 1857 était centré surtout sur l’imitation de Jésus Christ que le Père Chevrier considérait comme le modèle à suivre. Il est redevable de la théologie et de la spiritualité de son époque. Cependant nous devons savoir lire plus loin que certaines formulations ou expressions, et rechercher ce qu’au-delà le Père Chevrier a en vue. Lorsqu’il parle d’imiter et de prendre Jésus comme modèle, il ne s’agit pas pour lui de copier du dehors un modèle. C’est pourquoi dans le même « Règlement », il s’exprime sous la forme d’une prière : « Faites que je sois tellement semblable, conforme à vous, que je ne fasse qu’un avec vous, que je sois véritablement et dignement votre représentant sur terre… » La véritable signification du mot imitation, c’est la communion, l’union au Christ. Jésus Christ est le modèle parce qu’il est dedans, qu’il habite en nous et que c’est lui-même qui nous modèle à son image. La connaissance du Christ a pour effet d’unir et d’identifier au Christ lui-même, de transformer en Christ. Derrière l’imitation de Jésus Christ, il y a une dimension sacramentelle. La présence vivante et agissante du Christ, en même temps que ses frères, emmène tout vers le Père en chacun de nous et à travers nous.
L’Étude de Jésus Christ dans l’Eucharistie est unie à l’Etude de Jésus Christ dans sa vie mortelle, dans le témoignage que nous offrent de lui les Écritures sous l’action de l’Esprit Saint. L’Étude de Jésus Christ dans les Écritures.
L’Étude de Notre Seigneur Jésus Christ se réalise surtout dans les Écritures, dans les Évangiles, puisque c’est là que nous rencontrons Jésus Christ. Comme nous l’avons déjà répété, cette science de grande valeur, cette étude est « spirituelle » : « L’esprit de Jésus Christ se trouve dans la parole de Notre Seigneur surtout. L’étude du saint Évangile, les paroles et les actions de Jésus Christ, voilà toute notre étude, voilà ce que nous devons chercher à connaître et à comprendre… » (Ms 10,24a). Voilà pourquoi cette étude doit être préférée aux autres études qui, tout en étant nécessaires aussi, sont de moindre importance. « Aucune étude, aucune science ne doivent être préférées à celle-là. C’est la plus nécessaire, la plus utile, la plus importante, surtout à celui qui veut être prêtre, son disciple, parce que cette connaissance seule peut faire les prêtres » (VD 113).
Cette étude faite sous l’action de l’Esprit Saint, c’est elle qui produit la véritable connaissance de Jésus Christ et qui modèle un être conforme à Jésus Christ : « J’ai demandé à Notre Seigneur, et je le demande encore tous les jours, que vous soyez remplis de son esprit, que l’étude de Jésus Christ soit pour vous une étude chère à vos cœurs, que tout votre désir soit de conformer votre vie à celle du Maître » (Lettre 80).
Il y a dans le « Véritable Disciple » une très belle formule pour exprimer ce qu’est, et ce que doit être pour nous l’Étude d’Évangile : « Remplis du Saint Esprit… étudier l’Évangile pour conformer notre vie à celle de Jésus Christ » (cf. VD 225). Nous étudions l’Evangile, non pas afin de savoir ce qu’a fait Jésus Christ, non pas afin de connaître sa doctrine et par conséquent de voir ce que nous, nous devons faire. Si nous n’entrons dans l’Évangile que pour y découvrir ce que Jésus a fait et pour faire de même à sa suite, notre relation au Christ resterait marquée par le volontarisme et lui, il ne serait pour nous qu’un simple personnage du passé. L’étude à laquelle le Père Chevrier nous invite se situe à un niveau beaucoup plus profond. Lui, il veut que Jésus Christ passe en nous, qu’il nous habite, que par la foi il demeure en nos cœurs, que l’Esprit forme le Christ total en nous. Nous ne pouvons-nous contenter seulement de reproduire quelques attitudes et actions de Jésus.
Cette étude est un véritable travail de recherche, d’enquête systématique que nous avons à faire avec persévérance chaque jour puisqu’il s’agit de notre premier travail, celui qui nous permet de développer ce que nous sommes, notre identité. Pour cela, cette étude exige qu’on se dessaisisse de son propre esprit, de sa propre volonté pour accueillir et se rendre disponible à l’Esprit de Dieu et à ce qu’il voudra nous révéler. La recherche et l’investigation dans les Ecritures demandent qu’on sorte de soi pour entrer dans ce qui s’avère inconnu pour la pensée humaine ; ça demande aussi qu’on se laisse conduire, même sans comprendre, comme l’a fait Marie (Lc 1,29-34). Cette étude d’Évangile, nous la faisons dans l’attitude du pauvre et la condition de l’indigent qui cherche à recevoir la vie, la véritable sagesse, et qui se rend disponible pour accueillir le don de Dieu. En effet, dans l’Étude d’Évangile, nous ne cherchons pas à tout comprendre, mais nous voulons nous donner à la personne du Verbe. Voilà bien pourquoi cette étude ne saurait être quelque chose d’occasionnel ou de ponctuel que nous ferions quand nous aurions le temps. Au contraire, c’est une part très importante de notre ministère, quelque chose d’aussi quotidien que de s’alimenter. Cette étude donne la mesure de notre attachement, de notre amour à Jésus Christ ; mais aussi la mesure de notre dévouement à la mission, qui est la mission du Christ, pas la nôtre…
L’Étude d’Évangile demande la même persévérance et la même assiduité que la prière ; d’ailleurs les deux sont en étroite relation. « Il faut d’abord lire et relire le Saint Évangile, s’en pénétrer, l’étudier, le savoir par cœur, étudier chaque parole, chaque action, pour en saisir le sens et le faire passer dans ses pensées et dans ses actions. C’est dans l’oraison de chaque jour qu’il faut faire cette étude et qu’il faut faire passer Jésus Christ dans sa vie » (VD 227). La prière et l’Étude d’Évangile se fécondent mutuellement. C’est pour cela qu’à la nécessité de l’étude pour connaître Jésus Christ, le Père Chevrier joint la nécessité de la prière. Lui-même prie et entre en relation avec le Maître qu’il désire connaître. La prière « O Verbe, O Christ ! » vient à la fin de l’Étude d’Évangile sur les titres de Jésus Christ (VD 108). Ce fut l’expérience d’Antoine Chevrier, mais aussi celle de beaucoup de pradosiens. C’est sans doute pour tous un appel qui nous indique la manière de faire l’Étude d’Évangile. « Il ne faut pas faire de l’oraison une affaire de paroles en l’air ou de mysticisme. Il faut que la vie et les paroles de Jésus Christ en soient le fondement essentiel… Même dans l’oraison, la connaissance de Notre Seigneur doit passer avant tout… La base de l’oraison, c’est l’étude de Notre Seigneur Jésus Christ » (Ms 9,2d).
La connaissance de Jésus Christ dont parle Antoine Chevrier est celle de la foi. Dans les Écritures, Dieu en personne vient à notre rencontre pour communiquer et entamer avec nous un dialogue d’amour. L’Étude d’Évangile est donc avant tout une expérience de foi : elle part de la foi, elle se développe dans la foi et elle augmente la foi. Il nous faut veiller à cette dimension qui nous met dans une attitude d’écoute, de confiance dans la parole qui s’adresse à nous. Le Père Chevrier lui-même nous sert de guide dans ce type d’Etude d’Evangile qui vise à alimenter et à augmenter la foi. Il termine son Étude d’Évangile sur la divinité de Jésus Christ avec cette affirmation qui devrait toujours être présente à l’horizon de notre propre Étude d’Évangile : « Ne pas oublier le grand acte de foi en Jésus Christ, Verbe et fils de Dieu » (VD 82).
La connaissance, l’étude de Notre Seigneur Jésus Christ doivent porter sur la totalité des Écritures car, nous l’avons déjà évoqué, toutes les Ecritures parlent de Jésus Christ et toutes sont habitées par la Parole du Père. « La totalité », cela ne signifie pas qu’il s’agit d’un savoir encyclopédique ni d’une accumulation d’informations sur les textes ou sur les livres de la Bible. « La totalité », cela vise le noyau fondamental à partir duquel on comprend et on explique le mystère du Christ, le Verbe fait chair. Le centre des Écritures c’est le Verbe, celui qui vient dans la chair sauver les hommes. A partir de cette lumière, les gens, avec leur intelligence, avec leur liberté, peuvent comprendre toutes les questions et les mystères qui touchent leur existence.
Les Écritures, c’est ce que le Seigneur nous a offert et mis dans les mains pour que nous puissions le connaître et vivre notre existence sur le mode de l’Alliance. Dans cette communication et cette révélation, le Verbe fait chair devient la parole la plus explicite dont nous disposons, parole de révélation qui se communique à travers les Écritures habitées par l’Esprit Saint. Par conséquent, si nous voulons connaître Jésus Christ, nous devons connaître et étudier les Écritures. C’est ce que nous rappelle Saint Jérôme : « Ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ ». Mais restons très conscients qu’il s’agit d’une étude éclairée et guidée par l’Esprit ; c’est ce qui permet qu’à partir du livre, nous soyons capables d’entrer en relation avec le Verbe fait chair, le Fils de Dieu, la Parole vivante du Père. « Verbe est le nom du Fils de Dieu. Ce mot signifie Parole. Dieu a envoyé son Verbe, c’est-à-dire sa Parole, qui s’est revêtue de notre humanité pour nous instruire et nous faire connaître la loi et la volonté du Père…Il est pour nous comme une lettre vivante dans laquelle nous devons lire les volontés du Très-Haut… Avec quelle attention ne devons-nous pas lire cette lettre envoyée du ciel ! » (Ms 5,27).
CONCLUSION
L’Étude d’Évangile s’inscrit dans la tradition de l’Église qui lit les Écritures sous la lumière de l’Esprit ; celui-ci nous les présente aujourd’hui comme parole vivante et actuelle, il nous présente Jésus Christ comme notre contemporain.
L’action de l’Esprit dans l’Incarnation du Verbe, son action dans les Écritures en tant que parole vivante de Dieu, se prolonge encore dans l’Étude d’Évangile par laquelle nous, nous connaissons Jésus Christ et nous entrons en communion avec lui.
C’est toujours l’Esprit Saint qui anime et guide l’Étude de Notre Seigneur Jésus Christ. Cette Étude, il nous faut la faire à la fois dans l’Eucharistie et dans les Écritures. Chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, nous invoquons l’Esprit Saint pour qu’il transforme le pain et le vin en Corps et Sang de Jésus Christ.
De la même manière dans notre Etude d’Evangile, nous avons à faire une épiclèse, une invocation à l’Esprit Saint, afin que la parole des Écritures devienne révélation et présence de la Parole vivante, de Jésus Christ ressuscité, le Fils de Dieu, véritable nourriture tout comme le pain eucharistique.
L’Étude d’Évangile, nous devons toujours la faire dans la prière et dans la foi. Elle a pour finalité de nous mener à la connaissance de Jésus Christ. Autrement dit, nous faisons Étude d’Évangile pour établir un véritable dialogue avec le Seigneur, une relation personnelle avec Jésus, et ce sera en quelque sorte l’élan qui dynamisera notre vie, notre mission, l’incarnation et l’engagement que nous pourrons vivre au milieu du monde. Pour cela une connaissance des Écritures qui en resterait à l’extérieur est insuffisante. C’est ce que nous montre le quatrième Evangile dans un dialogue de Jésus avec les juifs qui scrutaient et croyaient connaître les Écritures. La révélation de l’Esprit et la foi sont nécessaires. « La parole du Père ne demeure pas en vous, puisque vous ne croyez pas à celui qu’il a envoyé. Vous scrutez les Écritures parce que vous pensez acquérir par elles la vie éternelle. : ce sont elles qui rendent témoignage à mon sujet. Et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie éternelle » (Jn 5,38-40 ; cf. 5,46-47).
Au centre de l’Étude d’Évangile, il y a la personne de Jésus Christ. J’entre dans cette Étude avec l’intention de me conformer à lui, pour le suivre en toute confiance et sans condition jusqu’à ce que je parvienne à ne faire plus qu’un avec lui. Par conséquent l’objectif de mon Étude d’Évangile, ce n’est pas ce que je dois faire, non plus d’aller à la recherche de ce dont j’ai besoin ; mon objectif, c’est de me laisser recréer par la Parole vivante et efficace de Dieu, c’est de marcher guidé par l’Esprit qui, lui, a le pouvoir de procurer la véritable vie et de nourrir notre existence ainsi que notre témoignage. En communiant et en centrant ainsi notre vie sur la personne de Jésus Christ, nous serons amenés à tout regarder à partir de lui. Pour le croyant, pour l’apôtre, plus que l’évangile, plus que la justice, plus que la liberté, plus que l’amour… ce qui existe vraiment, c’est Jésus Christ qui est, lui, notre justice, notre liberté, notre amour. Centrés sur lui, nous vivrons aussi notre mission et notre ministère à partir de la radicalité de l’Évangile.
Mettre Jésus Christ au centre de notre vie, cela suppose qu’on se donne et qu’on se dépouille totalement dans une pauvreté radicale, à l’image de la pauvreté de l’Envoyé du Père qui ne fait rien de lui-même, qui ne dit rien de lui-même et qui accomplit à chaque instant la volonté de celui qui l’envoie. Voilà en quoi consiste « connaître Jésus Christ » : c’est laisser le Fils pénétrer et envahir ce que nous sommes, en parvenant à n’être plus qu’un avec lui. Comme c’est arrivé à Paul, nous pourrons faire l’expérience qu’il est notre vie, que lui-même vit en nous, qu’à travers nous circule la vie du Fils de Dieu, la vie éternelle (Ga 2,19-20 ; Jn 17,3).
Xosé Xulio RODRIGUEZ